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Bourse minéraux et fossiles de Sainte Marie aux Mines (Alsace) - 26>30 juin 2024

La mine de Tsumeb et ses minéraux


Messages recommandés

I – Un peu d’histoire…

 

Il était une fois… une colline verte

 

Le mot Tsumeb dérive du mot herero « Otjisume » (qui signifierait « le lieu des mousses »), référence peut-être à la couleur verte du premier affleurement teinté de malachite et autres oxydes de cuivre qui existait à l’époque ; à moins que ce ne soit en raison du caractère très instable du sol (de par sa nature karstique) risquant de s’effondrer à tout moment… Ce lieu était donc déjà connu avant l’arrivée des premiers européens par les Damaras et les Buchimans, qui en extrayaient de la surface du minerai de cuivre afin de le fondre et de commercer avec les Ovambos voisins. Le site ressemble à cette époque à une colline verte (« the Green Hill ») de 180 mètres de long, 40 mètres de large et 12 mètres de hauteur.

 

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"The Green Hill", vers 1900

 

L’arrivée des européens 

 

En 1851, Sir Francis Galton, un explorateur anglais, séjourne près du lac Otjikoto (situé à 20km à l’ouest de Tsumeb) et rencontre des Buchimans qui transportent du minerai de cuivre ; sans savoir d’où ce dernier provenait, il mentionne pour la première fois dans son journal la présence de mines potentielles en Namibie.

Le premier spécimen minéralogique connu attribué à la mine de Tsumeb, un morceau de cuprite rapporté par un navigateur, est daté de 1860.

Will Jordan, un chasseur d’éléphants, achète les terres avoisinantes en 1885 au chef de la tribu Owambo (pour 300 livres, 25 pistolets, un cheval et un tonneau de brandy…) ; malheureusement pour lui, il est assassiné l’année suivante. Le sud-ouest de l’Afrique étant devenu un protectorat allemand, la concession des futures mines de cuivre d’Otavi est accordée  à la South West Africa Company, britannique, à la condition qu’elle développe port et voies ferrées, et organise un programme de prospection minière. Un premier lot de minerais de Tsumeb est ainsi envoyé pour analyses au Musée de Berlin en 1887.

Le responsable de ce programme, un certain Mathew Rogers, est le premier européen à arriver à Tsumeb le 12 janvier 1893 ; il écrit alors cette phrase prophétique : « je n’ai jamais vu un tel spectacle qu’à (…) Soomeb (sic) et doute beaucoup si j’en verrai un tel dans une autre localité »...

En 1900, en manque de liquidités, la South West Africa Company contacte les banques allemandes pour fonder la Otavi Minen- und Eisenbahn- Gesellschaft (OMEG). Les opérations d’installation débutent en août de la même année.

 

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Un certificat d'actions de l'OMEG

 

La ville de Tsumeb est fondée en 1905, attirant les Ovambos voisins embauchés comme premiers mineurs.

En 1906 est décrite la toute première espèce propre à Tsumeb, un carbonate de cadmium, l’otavite.

La mine est raccordée au lac Otjikoto voisin par une canalisation en 1907, et peut (enfin !) entrer en activité au mois d’avril. La colline verte est progressivement et entièrement rasée, et l’exploitation des premiers niveaux, la première zone d’oxydation, se fait à ciel ouvert, notamment grâce à deux grands rails inclinés, appelés « Himmelsleiter » (« Echelle de Jacob »).

On atteint le 6ème niveau en 1914, et l’on devine que le minerai s’étend beaucoup plus loin en profondeur, quand débute la première guerre mondiale, mettant la production à l’arrêt.

 

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Coupe de la mine vers 1914, d'après Hans Schneiderhöhn

C'est un panorama de la première zone d'oxydation, sans la Colline Verte, qui a déjà disparu...

 

L’entre-deux guerres

 

La reprise des activités est assez difficile après la déroute de l’armée allemande à Khorab en 1915 (qui abandonne tout son armement dans le lac Otjikoto).

Le « Puit Numéro Un » est construit en 1922 (il sera plus tard rebaptisé « Puit Friederich Wilhelm » en l’honneur de F.W. Kegel, directeur de la mine à l’époque) et descend alors jusqu’au 8ème niveau.

 

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Le Puit Friederich Wilhelm

 

C’est justement en visitant ce 8ème niveau le 10 décembre 1929 que Sam Gordon, un minéralogiste américain de Philadelphie, a l’immense chance de de découvrir le jour- même l’une des plus extraordinaires poche d’azurite de l’Histoire, dont il partagera des échantillons avec Kegel ; la « Gordon/Kegel Pocket » marque vraiment le début de la célébrité minéralogique de Tsumeb dans le monde.

Kegel fut un collectionneur compulsif de Tsumeb jusqu’à sa mort, tout comme Wilhelm Klein avant lui (précèdent directeur de la mine, et à qui l’on doit dès les années 20 les premières photographies de spécimens !) ; la collection de Kegel fut remarquable par sa grande qualité et par le fait qu’il répertoriait systématiquement le niveau exact de chaque découverte (ce qui nous est encore fort utile de nos jours pour comprendre la minéralogie de la première zone d’oxydation) ; elle fut cédée à sa mort à la Smithsonian Institution pour 3800 dollars de l’époque (1 tonne et demi d’échantillons tout de même !), où elle peut toujours en partie être admirée aujourd'hui.

 

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F.W. Kegel

 

Le « Puit Friederich Wilhelm » atteint le 16ème niveau en 1931 lorsque la grande dépression (et la chute du cours des minerais qui s’ensuit) interrompt de nouveau l’exploitation; il faudra attendre 1937 pour que les activités reprennent.

Les mineurs travaillent au 20ème niveau en 1939 lorsqu’éclate la seconde guerre mondiale ; les biens de l’OMEG sont saisis en 1940 par l’Union d’Afrique du Sud et les opérations minières sont suspendues jusqu’en 1946.

 

L’après-guerre

 

La mine est vendue en 1947 à la Tsumeb Corporation Limited, un consortium américain, britannique, et sud-africain qui l’exploitera pendant toute la seconde moitié du XXème siècle. Ce changement de propriétaire implique tout un programme d’expansion des activités minières et de la ville.

Les études géologiques ayant prouvé que le dépôt s’élargissait en profondeur, il est décidé de creuser un nouveau puit jusqu’au 30ème niveau (1006 mètres sous la surface), le puit De Wet,  inauguré en 1949 ; il n’est réellement mis en activité qu’en 1953, remontant tout d’abord uniquement des déblais stériles, jusqu’à ce que la zone minéralisée soit atteinte en 1957 ; avec une grande surprise, on constate que le minerai y est très oxydé, la roche très fissurée et infiltrée d’eau… On vient de découvrir la seconde zone d’oxydation ! Cela implique par ailleurs l’installation de nouveaux générateurs électriques et pompes hydrauliques afin d’évacuer les énormes quantités d’eau présentes à cette profondeur.

 

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Le Puit De Wet

 

De nouvelles usines de traitement sont également construites à cette époque, l’extraction des métaux à partir du minerai polymétallique, riche en sulfures et oxydes, ayant toujours été complexe à Tsumeb  (en particulier pour ce qui est du zinc) ; un circuit de flottation est installé en 1954 pour récupérer le germanium ; de nouvelles fonderies dédiées au cuivre et au plomb sont construites entre 1959 et 1960.

 

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Coupe de la mine vers 1955, d'après Strunz et al.

On vient d'atteindre la seconde zone d'oxydation.

 

Les années 60 et 70

 

On atteint le 34ème niveau au milieu des années 60 et les forages indiquent que la masse de minerai s’étend au moins jusqu’à la profondeur de 1326 mètres (40ème niveau). La production culmine à 733 000 tonnes de minerai durant l’année 1965 (le record de l’exploitation), mais des problèmes d’éboulement (notamment en 1967 et en 1974), liés au caractère karstique de la roche engainante, viennent compliquer les choses.

On commence donc à cette époque à mécaniser l’excavation, permettant d’atteindre un nouveau pic de production de 433 000 tonnes en 1974, tandis que l’on creuse au 38ème niveau (1274 mètres de profondeur).

Les années 70 sont l’âge d’or des dioptases, découvertes dans la seconde zone d’oxydation, entre les 29ème et 35ème niveaux, avec de nombreuses poches pouvant parfois mesurer plusieurs mètres de large; j’en reparlerai très probablement plus tard quand nous posterons les photographies de nos spécimens sur ce fil, la documentation de ces poches étant assez fournie à cette époque. Pour Charles L. Key (1996), la valeur marchande des dioptases trouvées à cette époque « devance celle de tous les autres minéraux trouvés à Tsumeb, loin devant celle des azurites »…

 

Les années 80 et 90

 

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Coupe de la mine vers 1980, d'après Lombaard et al.

La troisième zone d'oxydation n'y figure pas encore, elle ne sera atteinte que vers -1450m.

 

Mais tout à une fin…

Tsumeb Corporation Limited est vendue en 1988 à Gold Fields South Africa Limited, la fonderie de plomb ferme en 1994.

Tandis que les mineurs doivent creuser de plus en plus profondément, la qualité du minerai s’appauvrit, les coûts du pompage augmentent… Et puis les cours du minerai s’effondrent au milieu des années 90.  On délaisse les niveaux inférieurs, et les travaux continuent un peu dans les niveaux supérieurs (permettant ainsi encore la découverte en 1994 au 8ème niveau de la dernière « grosse » poche de cristaux d’azurite, la célèbre Easter Pocket).

La dernière belle découverte minéralogique a lieu en février 1996 (une poche de cérusites rougies par des inclusions de chalcotrichite, sur un lit de malachite…)

Des grèves éclatent à l’été 1996, les pompes sont mises à l’arrêt, provoquant l’inondation des niveaux inférieurs. Au moment de la fermeture en août 1996, la mine s’enfonçait jusqu’au 48ème niveau (1650 mètres de profondeur). Près de 25 millions de tonnes de minerai auront été extraites durant l’histoire de Tsumeb (dont 2.8 millions de tonnes de plomb, 1.7 millions de tonnes de cuivre, 0.9 millions de tonnes de zinc et 80 tonnes de germanium)!

 

Après la fermeture

 

Gold Fields South Africa Limited fait faillite en 1998. Au début des années 2000, la Haute Cour de Namibie autorise une entreprise locale, Ongopolo Mining and Processing Limited, à reprendre l’exploitation de Tsumeb et des mines avoisinantes (Khusib Springs, Otjihase, Kombat), et surtout de la fonderie de cuivre. Les niveaux supérieurs de la mine sont brièvement à nouveau exploités, surtout à la recherche de spécimens de collection, sans grand succès hélas (on ne découvre que quelques poches d’azurite de qualité lapidaire), jusqu’à la fermeture définitive en 2008…

L’histoire de Tsumeb est néanmoins loin d’être terminée ! Si aucun échantillon ne sort plus de terre, l’inventaire de l’incroyable quantité et diversité des spécimens récoltés continue de nous émerveiller ; plus de 50 nouvelles espèces ont ainsi été décrites depuis la fermeture en 1996, et les publications se poursuivent ! 318 espèces différentes y ont été répertoriées au jour de la rédaction de cet article (d’après mindat), dont 72 dont elle est la localité-type, et une cinquantaine qui n’ont été inventoriées qu’à cet endroit !

A ce jour (2019), le puit De Wet surplombe toujours la rue principale de la ville, et la fonderie de cuivre (propriété maintenant de Dundee Precious Metals) est toujours en activité, traitant des minerais provenant de Namibie et d’autres pays africains…

Ailleurs en Namibie dans les monts Otavi, d’autres dépôts polymétalliques ont été retrouvés, par exemple à Berg Aukas (mine de vanadium, plomb et zinc, et qui a produit de superbes descloizites dans les années 70) ou encore à Khusib Springs (cuivre, plomb et zinc). Reste-t-il un autre Tsumeb à découvrir ? Souhaitons-le de tout cœur !

 

II- Un peu de géologie…

 

Structure

 

Le dépôt minier prend la forme d’un tuyau très étroit qui s’étend quasi verticalement sur près de 1700 mètres.

 

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Elle suit d’abord les couches de dolomie avec un angle d’environ 50°.

 

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Puis à environ 600 mètres de profondeur le tube minéralisé oblique vers le nord, et pénètre alors quasi perpendiculairement une strate de dolomie claire, tout en s’élargissant de 25 mètres de diamètre à près de 180 mètres de long sur 80 mètres de large. A cet endroit, la section du tube montre un aspect en « fer à cheval », comportant deux veines de minerai massives, deux lentilles, contenant près de 30% de métal, l’une au nord (constituée de sulfures de plomb et de zinc) et l’autre au sud (comportant plomb, zinc et cuivre). L’espace entre ces deux veines est constitué de dolomie claire bréchifiée.

 

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Le reste du tube est constitué d’un grès feldspathique (« pseudo-aplite »). A une profondeur de 1100 mètres, le dépôt se rétrécit et plonge vers le sud. A 1300 mètres, il s’élargit de nouveau et oblique vers le nord, prenant la forme cette fois-ci d’une unique lentille de minerai jusqu’à 1800 mètres.

 

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Formation du tube

 

La mine de Tsumeb est exceptionnelle de par la diversité et l’abondance des minéraux produits, contenant cuivre, zinc, plomb, arsenic, fer, cobalt, antimoine, molybdène, germanium, gallium, argent, cobalt, vanadium, étain, nickel, mercure… La géologie du site a été étudiée scientifiquement dès les années 60 (Söhnge, 1964). Tsumeb est située sur la bordure nord d'un vaste synclinal du massif des monts Otavi au nord-est de la Namibie, au milieu d’affleurements de dolomie noire.  Ce synclinal est-ouest explique la très forte inclinaison des bancs de dolomie vers le sud (jusqu'à l'inversion rencontrée dans la seconde zone d'oxydation).  La formation du dépôt minéralisé a longtemps été une énigme géologique, jusqu’à l’hypothèse d’une origine karstique.

 

Tsumeb se trouve en effet dans une épaisse couche (jusqu’à 6700 mètres) de roches sédimentaires carbonatées, principalement constituées de dolomie (stromatolithique et oolithique) et de calcaire, et recoupées d’horizons schisteux et de mudstone. Ces roches se sont formées au néoprotérozoïque, et se décomposent ainsi:

 

  • Groupe Mulden, comportant la formation Tschudi (grès feldspathiques, argilites, conglomérats, grauwackes) où se situait la "Colline Verte".

 

  • Groupe Otavi, comportant: -la formation Huttenberg (dolomie avec lentilles de calcite) jusqu'à 1000 m de profondeur.

                                                            -la formation Elansdshoek (dolomie) au-delà et jusqu'à la plus grande profondeur atteinte par les sondages (1800 m).

 

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Carte géologique simplifiée de la région au sud de Tsumeb

 

Le toit de cette couche carbonatée se serait effondré il y a 660 Ma, puis des épisodes de transgression marine au cours des 100 Ma suivantes auraient permis la dissolution du calcaire et le remplissage du tube ainsi laissé par des sédiments sableux, qui finiront par se recristalliser en quartzite.

Dans le même temps, il y a 650 Ma, débute l’orogenèse de la chaîne des Damaras, avec un rapprochement des deux cratons du Congo et du Kalahari, et l’initiation de phénomènes hydrothermaux ; ainsi à partir de 550 Ma, la percolation du puit par des fluides chauds et riches en éléments chimiques permet sa minéralisation.

 

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Minéralisation du dépôt

 

Les précipitations très abondantes dans cette région au climat subtropical (600mm par an) ont permis la dissolution partielle des roches carbonatées jusqu’à d’importantes profondeurs. Par ailleurs, le développement du tube minéralisé a comme on l’a vu été la résultante de phénomènes hydrothermaux, avec des fluides chauds riches en éléments chimiques ; ces fluides ont emprunté les lignes de fracture et les failles, il y a environ 550 millions d’années, rencontrant les roches carbonatées, les fracturant, les imprégnant de solution saturée, permettant leur bréchification.

 

Les principaux constituants du minerai primaire, hypogène, sont donc des sulfures : bornite, tennantite, chalcocite (avec des masses de plusieurs de dizaines de mètres cubes), galène, énargite (surtout dans les niveaux supérieurs), et sphalérite. On retrouve également un peu de pyrite, souvent microcristalisée (malgré la richesse et la diversité des métaux, le tube était relativement déficient en fer), et un peu de germanite et de reniérite (minerais de germanium). On observe enfin un peu d’argent (notamment dans la tennantite, principal minerai argentifère de la mine, dont le contenu en argent croît avec la profondeur), et très peu d’or (dans la chalcopyrite, sulfure présent en faible quantité à Tsumeb).

 

En raison de la nature karstique du sol, et contrairement à la plupart des dépôts miniers, le niveau des eaux souterraines n’est pas constant à Tsumeb, ce qui explique la grande variété des minéraux secondaires observés. L’eau s’écoule à travers les interstices et les cavités dans la roche, infiltrant le minerai primaire constitué de sulfures, en dissolvant certains éléments (la sphalérite en premier, les sulfures de cuivre ensuite, tandis que la galène est pratiquement insoluble). Après cette dissolution peut commencer l’oxydation des minéraux mis en solution, des sulfures en sulfates, des arséniures (comme la tennantite) en arséniates et arsenites. Les eaux météoriques interagissent également avec les roches carbonatées, permettant l’apparition de carbonates (azurite, malachite, smithsonite, cérusite). Par endroits, la dissolution des minéraux secondaires permet de nouveau la précipitation vers les profondeurs d’éléments natifs  comme le cuivre (ce qu’on appelle la cémentation)… La cristallisation des minéraux secondaires va dépendre de conditions physiques (température) et chimiques (pH, concentration)…

 

L’incroyable diversité et abondance des minéraux de la mine de Tsumeb n’aurait pas pu exister sans l’existence de ses trois zones d’oxydation, s’étirant verticalement le long du dépôt  :

 

  •          La première zone d’oxydation, entre la surface (la colline verte) et le 11ème niveau (350 mètres de profondeur), est liée aux fluctuations de la nappe phréatique. On y a donc trouvé les plus belles azurites, les rarissimes otavites, les pseudomorphoses de mimétite en bayldonite et autres arséniates de cuivre…

 

  •         La seconde zone d’oxydation, entre les 24ème et 35ème niveaux, est liée à l’intersection du tube avec une fracture appelée « Zone de Faille Nord » (North Break Zone) au 29ème niveau. C’est l’étage des importantes découvertes de dioptases, de cérusites maclées en « flocons de neige » (trouvées dans la galène de la lentille sud, aux 25ème et 26ème niveaux), de la plupart des belles wulfénites caramel…

 

  •         La troisième zone d’oxydation s’étend entre les 42ème et 48ème niveaux ; ce fut une grande surprise vers la fin de l’exploitation de découvrir des minéraux oxydés à une telle profondeur, et l’on suppose que cette oxydation résulte d’un apport d’eau par une fracture karstique ou tectonique qui la relie à la Zone de Faille Nord. Le minerai y est assez riche en germanium, et elle est réputée pour sa minéralogie quelque peu étrange mais néanmoins sympathique (ludlockite, leiteite, legrandite, paradamite, « Zinc Pocket »…).

 

III- Et beaucoup de minéralogie !

 

Pour reprendre la classification de Strunz, sur les quelques 318 espèces décrites à Tsumeb (ce chiffre augmente très régulièrement), 30% environ appartiennent à la classe des phosphates, arséniates et vanadates. Puis viennent par ordre décroissant d’occurrence les sulfures, les oxydes, les sulfates, les carbonates, les silicates, les éléments natifs et les halogénures (deux espèces seulement pour ces derniers, fluorine et prosopite).

 

J’en profite pour conseiller l’excellentissime livre Tsumeb – a Unique Mineral Locality de Georg Gebhard (édition originale en allemand, réédition de 1999 en anglais agrémentée de nouvelles photographies, souvent appelé Tsumeb II), hélas assez difficile à se procurer de nos jours (presque aussi dur que de se dénicher une jolie ludlockite...).

Et quelques pages à savourer :

 

  •          http://www.tsumeb.com/en/ , site très bien construit et complet autour de la minéralogie, enrichi de nombreuses références scientifiques.
  •          http://www.williampinch.com/tsumeb , présentant la collection du regretté W. Pinch, qui eut la chance de posséder nombre d’espèces rares et esthétiques, dont le célèbre spécimen holotype d’andyrobertsite ; au passage une vidéo de Bluecapproductions qui présente ses collections :

 

 

Je tenais encore ici à remercier Icarealcyon et Lucailloux, membres de Géoforum, pour leurs précieux conseils.

 

 

Mais plutôt qu’un long monologue rébarbatif (j’ai déjà beaucoup parlé), j’invite tous les passionnés et les curieux à poster sur ce fil leurs échantillons personnels. Nous essayerons au fur et à mesure de partager nos connaissances de la minéralogie de Tsumeb. Il y a tant à dire… Alors, en piste !

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Merci à tous pour vos retours! Ce sujet me tenait vraiment très à cœur, et je m'étonnais de ne trouver que si peu de documentation en français sur cette mine emblématique, Graal de la minéralogie mondiale pour moi et tant d'autres! Cela n'est qu'une introduction à la minéralogie du site, et j'espère que ce sujet s'étoffera de nombreuses contributions. Nous posterons nos échantillons et échangerons sur ce fil pendant de nombreuses années encore, je le souhaite, au sujet de ces minéraux dont nous apprenons tous les jours un peu plus!

 

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Merci Jean-Do pour cet exposé brillant, clair et synthétique sur le monstre minéralogique qu'est Tsumeb :applaudir:

 

Pour commencer avec les spécialités du gisement:  voici une smithsonite rose en rhomboèdres à faces légèrement courbes (65 X 65 mm environ). D'après son précédent propriétaire, il s'agirait de cobalto-smithsonite. Les cristaux sont assez bien calibrés, environ 4 mm de plus grande dimension. C'est un exemplaire flottant, les rhomboèdres sont semés un peu partout sur un noyau à la forme tourmentée, massif,  blanc-beige, constitué d'un minéral très dense. Je pencherais pour de la cérusite massive, mais je ne me risquerais pas à faire un test :cryss:

 

La smithsonite était extrêmement fréquente à Tsumeb, dans les couleurs et les formes cristallines les plus variées !

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Très joli spécimen! L'identification cobalto (pour les variétés rose pâle) ou mangano (pour les couleurs plus saumonées), termes souvent utilisés même par les marchands internationaux les plus réputés, est en fait purement théorique, souvent sans analyse associée (Idem pour les appellations "cadmium" pour les couleurs jaunes, on en reparlera sûrement dans le futur).

 

Les smithsonites roses ont été retrouvées dans chacune des trois zones d'oxydation:

  • Dans les niveaux supérieurs, les mineurs allemands appelaient  la smithsonite "Zinkschale" au début du XXème siècle. Si les exemplaires de cette première zone sont souvent des agrégats mamelonnés, d'un blanc cassé tendant parfois vers le jaune "sale" (souvent constellés de petits cristaux de mimétite pour les quelques exemplaires de la Colline verte qui ont survécu de nos jours), quelques poches colorées très sympathiques ont été retrouvées.
  • Ton exemplaire, au lustre satiné et aux rhomboèdres modifiés, provient probablement de la seconde zone d'oxydation; de multiples poches y ont été découvertes dans les années 70. Tu as raison, la matrice est probablement constituée d'un carbonate de plomb altéré (j'ai moi aussi un spécimen de "cobalto"smithsonite que je posterai un de ces 4 sur une gangue de galène).
  • Enfin des cristaux magnifiques, rhomboèdriques, à la couleur tendant plus sur le rouge (ils rappellent par leur habitus certaines rhodochrosites péruviennes), variété "mangano", sur une matrice de tennantite/germanite/pyrite, ont été découverts dans la troisième zone d'oxydation (entre les 45ème et 47ème niveaux); ils y sont parfois associés à des cristaux centimétriques de chalcocite (les plus beaux trouvés à Tsumeb, d'après Ghebard).

 

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Déjà postée sur le fil Namibie, mais je l'aime beaucoup celle là...

Elle provient des travaux de la première zone d'oxydation, début du XXème siècle.

 

 

Smithsonite (var. mangano) sur Tennantite et Pyrite

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Mine de Tsumeb, Oshikoto, Namibie

 

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Une photo du verso, avec de la pyrite microcristallisée à la surface de la tennantite massive

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Il y a 21 heures, Jeando80 a dit :

On change de couleurs

pour le bonbon menthe ! En réalité il est bien difficile à rendre, ce vert-bleu si vif et frais !

Mon unique exemplaire de cuprosmithsonite de Tsumeb est assez petit (4 X 3 cm environ). Ses cristaux sont des rhomboèdres épais et d'aspect polysynthétique, mais à éclat vif, aux arêtes très légèrement courbes. La gangue est formée de cérusite massive blanche avec des traînées vertes de duftite (...ou mottramite ?) C'est vert-jaune vif en tout cas.

 

Le 01/11/2019 à 11:17, Jeando80 a dit :

Une photo du verso, avec de la pyrite microcristallisée à la surface de la tennantite massive

Ce spécimen m'interpelle ! :surpris: .Les miens n'ont hélas pas d'histoire, mais acquis en Afrique du Sud, ils sont vraisemblablement issus du recyclage de vieilles collections namibiennes ou sud-africaines. Une de mes smithsonites en rhomboèdres roses aigus montre exactement la même matrice que ton spécimen :idee:

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Il y a 1 heure, icarealcyon a dit :

 

Ce spécimen m'interpelle ! :surpris: .Les miens n'ont hélas pas d'histoire, mais acquis en Afrique du Sud, ils sont vraisemblablement issus du recyclage de vieilles collections namibiennes ou sud-africaines. Une de mes smithsonites en rhomboèdres roses aigus montre exactement la même matrice que ton spécimen :idee:

 

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La forme des cristaux, aux arêtes "tranchantes", rappelant les rhodochrosites, évoquerait plutôt les trouvailles tardives des niveaux inférieurs de la mine (3ème zone d'oxydation) s'ils tendaient plus sur le saumon (mangano) que sur le rose (cobalto).

La pyrite n'est pas forcément un bon marqueur, elle est ubiquitaire à Tsumeb, sous forme microcristallisée comme ici; ce sont les cristaux bien exprimés qui sont rares (déficit en fer du dépôt)! Et qui dit peu de sulfure de fer dit hélas aussi peu de minéraux secondaires (d'où la rareté des magnifiques scorodites et carminites!).

 

C'est une super idée que de mettre des photos recto-verso avec la matrice, çà permet de comparer nos échantillons par rapport aux trouvailles répertoriées, et d'essayer de préciser leur origine! Je vais essayer de le faire systématiquement quand je posterai.

 

Moi ce qui m'interpelle sur cette photo, c'est le mineral brun entre les cristaux de smithsonite... Beudantite? Sidérite? Ça vaudrait le coup de regarder de plus près!

 

J'ai d'autres couleurs de smithsonites plus étonnantes encore en réserve. J'attends un peu d'autres participants pour ne pas avoir l'air de monopoliser ce fil. (Nous ne sommes tout de même pas les 2 seuls collectionneurs français de Tsumeb??!!)

 

Cette pièce est un régal pour les yeux, félicitations!

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On reste dans les smithsonites, mais on change de couleurs...

 

Smithsonite

Mine de Tsumeb, Tsumeb, Oshikoto, Namibie

70x65x40mm

 

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La couleur rouge est assez atypique. Inclusions d'oxydes de fer? Ou d'un arséniate de fer (carminite, "signant" alors la seconde zone d'oxydation?).

Les points blancs sur la photo sont en fait des réflexions lumineuses... L'éclat "vitreux, perlé" des smithsonites!

 

image.thumb.jpeg.11de8c81ffab27a86eaf6d05e951ed97.jpeg

Le verso de la concrétion, de couleur plus sombre. Le corps est constitué de smithsonite massive, comme on le voit sur la tranche.

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Il y a 19 heures, chamy a dit :

Cérusite, mimétite, malachite/cuprite sur cuivre natif.

C'est un magnifique exemplaire !:rougir:

 

Le 03/11/2019 à 18:35, Jeando80 a dit :

Moi ce qui m'interpelle sur cette photo, c'est le mineral brun entre les cristaux de smithsonite... Beudantite? Sidérite? Ça vaudrait le coup de regarder de plus près!

J'ai été regarder de plus près...à la bino - ce que je n'avais jamais fait (à ma grande honte !). Alors voilà:  il y a au moins deux minéraux présents dans cette fine couche brun-jaune qui recouvre une première génération de smithsonite incolore (rhomboédrique) déposée directement sur les sulfures. Le premier minéral forme des sphérules veloutés brun-jaune. On observe ces sphérules par transparence, inclus à la base des cristaux roses du dessus, et libres également. Ils peuvent aussi former des boxworks dans la smithsonite rose. Ils sont parfois saupoudrés de minuscules cristaux jaunes-brun prismatiques d'un autre minéral qui ressemble très fort à de la tsumcorite, du moins en me basant sur les photos du livre de Von Bezing. Ils ont un éclat vif, un peu gras, ressemblant à celui de la cérusite.

Si la tsumcorite est très probable, pas la moindre idée de ce que peuvent être ces sphérules veloutées brun-jaune.:surpris:

Il y a 6 heures, Jeando80 a dit :

on change de couleurs..

Vraiment un spécimen atypique, et superbe, ah Tsumeb ! :super:

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il y a 53 minutes, icarealcyon a dit :

Alors voilà:  il y a au moins deux minéraux présents dans cette fine couche brun-jaune qui recouvre une première génération de smithsonite incolore (rhomboédrique) déposée directement sur les sulfures. Le premier minéral forme des sphérules veloutés brun-jaune. On observe ces sphérules par transparence, inclus à la base des cristaux roses du dessus, et libres également. Ils peuvent aussi former des boxworks dans la smithsonite rose. Ils sont parfois saupoudrés de minuscules cristaux jaunes-brun prismatiques d'un autre minéral qui ressemble très fort à de la tsumcorite, du moins en me basant sur les photos du livre de Von Bezing. Ils ont un éclat vif, un peu gras, ressemblant à celui de la cérusite.

Si la tsumcorite est très probable, pas la moindre idée de ce que peuvent être ces sphérules veloutées brun-jaune.:surpris:

 

Donc cobaltosmihtsonite sur tsumcorite, sur tennantite et pyrite, voilà donc un spécimen déjà très sympathique qui en devient encore plus sympathique!

Quant aux sphérules, comme dit le vieux proverbe, "quand on ne sait pas, il y a souvent de la mimétite par là!" (bon d'accord je viens de l'inventer pour l'occasion...) ;)

 

Tu parles de l'ouvrage de Ludwig von Bezing, "Namibia : Minerals and localities" j'imagine. C'est le tome I ou le tome II? J'hésitais à me le procurer, il vaut le coup? Tsumeb y est bien représentée? Ou cela parle-t-il beaucoup du reste de la Namibie?

 

 

Sur ce on change encore de couleur:

 

Smithsonite

Mine de Tsumeb, Tsumeb, Oshikoto, Namibie

83x58x40mm

 

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On avait pas encore fait dans la blancheur immaculée...

 

image.thumb.jpeg.caebb28081ab68dc66849c5f73f41929.jpeg

Au verso, on devine plusieurs générations de smithsonite avant la dernière incolore, avec notamment une première bleu clair (cuprosmithsonite).

Un petit peu de malachite pour accompagner le tout, sur une matrice de quartzite (pour changer des sulfures)...

 

 

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