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Posté(e)

Un tout petit fétiche "Chipmunk" (3 cm de long) par Lance Cheama, sculpté dans une turquoise de Kingman, Arizona, yeux incrustés en jais malgré sa taille minuscule.

 

De justes proportions, un réalisme épuré, une grande expressivité dans l'attitude, la manière de rendre le pelage sont les marques de cet artiste, à la tête du style "réaliste" avec ses frères Dan Quam et Wilfred Cheama. Ces trois artistes, s'ils sont toujours en vie, ont maintenant autour de 70/80 ans .

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Il existe plusieurs "styles" ou "écoles" parmi les sculpteurs de Zuñi:

 

-les traditionnels (de moins en moins nombreux): ils souhaitent respecter le principe ancestral qui exigeait que le fétiche soit une pierre trouvée ayant naturellement acquis les formes d'un animal, et à laquelle le sculpteur ajoutait le moins possible de modifications pour accentuer l'apparentement de forme. Le fétiche réalisé selon ce principe est compact, minimaliste, avec juste l'esquisse des pattes, de la queue, des oreilles. C'est le cas des fétiches anasazis et des plus anciens fétiches zuñi, pré 1930). Les traits accentués par le sculpteur permettent de décider si c'est bison, ours, puma, loup, blaireau, taupe, etc... Cela implique de rechercher le matériau brut adéquat, ce qui est assez hasardeux, autant dans la nature que dans le stock d'un fournisseur de brut.

 

-les "réalistes" : c'est le style qui se répand le plus parmi les sculpteurs depuis le début des années 80, à la fois lié au progrès de l'outillage, l'attente des clients, et aussi la professionnalisation. Les familles Cheama, Quam et Quandelacy sont à la tête de ce mouvement. Toutefois, les animaux qu'ils sculptent demeurent, à de très rares exceptions près, des animaux sauvages du South West, et pour l'essentiel les espèces traditionnellement représentées en fétiches. Ils privilégient les matériaux locaux, et chacun a son matériau préféré. Des sculpteurs se spécialisent sur quelques animaux seulement. Tous cherchent à personnaliser leurs créations.

 

- les "modernes" peuvent sculpter n'importe quel animal, de l'insecte au dinosaure ! Il s'agit uniquement de répondre à la demande. Le réalisme est souvent laissé de côté au profit de l'expressionisme. Les jeunes s'engagent de plus en plus dans cette voie.

 

Et bien sûr, comme dans toute activité humaine, à côté des artistes il y a une production anonyme, quasi-industrielle, sans âme.

 

Je mets ici un autre exemple que je trouve magnifique du travail de Lance Cheama (il n'est pas à moi :pleurer: ) un loup hurlant à la lune:

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Posté(e)

Loup, renard ou coyote, l'animal est superbe et l'artiste qui en est à l'origine a su lui donner une fière allure, expressive, réaliste... 

Je découvre cet artisanat d'art, merci de nous le faire partager 

Posté(e)

Merci Beaucoup @grenat66

 

Pour ceux qui sont intéressés, il existe l'excellent petit livre ci-dessous, une initiation à cet art et aux coutumes de ce peuple, 112 pages, bien illustré quoique majoritairement en noir et blanc. Il est encore possible de le trouver d'occasion sans trop de difficultés :

 

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Page de garde: 

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La bibliographie en fin d'ouvrage mentionne 15 autres ouvrages ou articles qui sont, à n'en pas douter, d'utiles compléments. Faute de temps, je n'ai pas fait de recherches sur les travaux cités. J'aimerais bien qu'il existe une publication de référence de la même qualité sur les silversmiths navajos, abordant autant le côté technique que la dimension ethnologique, mais il semble bien que non. 

 

 

Posté(e)

C'est tout-a-fait superbe. Merci.

Pour ce qui est de l'argent, je pensais que la matière première se trouvait surtout au Mexique (quelques milliers de km plus au Sud). 

Des gisements d'Ag dans les zones Navajo, Hopi, ou autour des four corners en general ?

 

 

Posté(e)
Il y a 3 heures, phoscorite a dit :

Des gisements d'Ag dans les zones Navajo, Hopi, ou autour des four corners en general ?

Oui, il y a la Rochester Mine dans le Nevada voisin (qui se surnomme lui-même "the Silver State"), et quelques grosses mines encore actives en Utah (Beaver Co...)

https://en.wikipedia.org/wiki/Silver_mining_in_Nevada

Dans  beaucoup de mines de cuivre et d'or des 4 Etats (Arizona, Nouveau-Mexique, Colorado, Utah), l'argent est toujours extrait en tant que sous-produit (comme à Bisbee).

Mais il y a certainement toujours beaucoup d'import mexicain sur le marché des fournisseurs. Il y a quelques décennies, quand elles avaient encore cours, les Navajos fondaient les pièces d'un dollar en argent qui étaient très prisées. 

Posté(e)

Il y a une pierre qui a la faveur des artistes zuñi du courant réaliste cités plus haut: le "Picasso Marble". Cette belle roche est exploitée à Mineral Mountain dans le sud de l'Utah. J'ai trouvé très intéressant l'exposé sur son origine par Dave Crosby, en lien sur Mindat:https://www.mindat.org/article.php/2098/Picasso+Marble

Le petit loup (ou coyote ) hurlant à la lune ci-dessus est fait dans ce matériau.

Posté(e)

Une tentative de recherche d'ouvrages sur les sujets évoqués ici semble avoir été fructueuse ce dimanche. A voir si ça se concrétise à la lecture.

 

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Je précise que j'ai commencé cette petite collection il y a 9 ans avec le bracelet manchette orné d'un cabochon de turquoise de Royston. L'année suivante, le collier et la première bague kachina de Nelson Morgan. Depuis, cela s'étoffe au rythme de 2 acquisitions par an en moyenne, mais beaucoup de temps -fort plaisant- passé à rechercher l'oiseau rare. En plus du travail de quelques artistes bien identifiables, je recherche plus spécialement les bijoux qui incluent des turquoises nuggets semi-brutes, à peine polies. Dans la plupart des objets de bijouterie à travers le monde, l'usage de pierres brutes ou semi-brutes donne généralement un résultat maladroit, au mieux mitigé, voire kitsch. Et là, jamais ! Les raisons précises de cette alchimie réussie m'échappent, c'est tant mieux. 

 

  • 2 semaines après...
Posté(e)
Le 13/08/2025 à 15:07, icarealcyon a dit :

J'aimerais bien qu'il existe une publication de référence de la même qualité sur les silversmiths navajos, abordant autant le côté technique que la dimension ethnologique, mais il semble bien que non. 

Le livre "Navajo and Pueblo silversmiths" correspond exactement à ce souhait. C'est une étude anthropologique datant de 1946 qui a été rééditée. L'auteur a appris le travail de l'argent au côté de silversmiths navajos âgés tout en observant ce peuple de l'intérieur, quand la plupart des hommes jeunes étaient partis à la guerre. Seul (tout) petit bémol, les photos d'époque sont d'apparence pâle dans cette réédition.

  • 2 semaines après...
Posté(e)

Une turquoise brute du gisement de Sleeping Beauty, Globe, Arizona, juste brossée.

 

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A gauche, du matériel lapidaire d'Ithaca Peak, Kingman, Arizona, à droite, de Sleeping Beauty (1 cm de dimension minimale)

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J'ai eu la chance d'obtenir dans une vente aux enchères un fétiche zuñi relativement ancien, pré-années 80 en tout cas, qui a réellement été utilisé en tant qu'objet "magique". Personne n'en a voulu sauf moi, sans doute parce qu'il était vendu en l'état, c'est-à-dire couvert d'une bonne couche de pollen de maïs durci en plus des moisissures et de la saleté accumulée des ans.

Je l'ai nettoyé autant que possible à l'aide d'alcool, parce qu'on ne distinguait même plus les éléments de l'offrande attachée autour de ce petit loup en calcaire de Zuñi, aux yeux en turquoise verdâtre.

Cette offrande consiste en une pointe de flèche archaïque (type Hardin stemmed: 10000-8000 BP) authentique, taillée dans un jaspe ocre à lie-de-vin, patinée par l'érosion. Elle est attachée au fétiche par une lanière de cuir et une enfilade de perles "heishi" en coquillage, turquoise et spondyle (ou corail) rouge. 

 

Cet objet me rappelle un souvenir de lecture: le roman de Tony Hillerman "Là où dansent les Morts", qui se passe à Zuñi.

 

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Posté(e)

Epoustouflant...

Un objet digne d'un musée ...

Si je comprends bien la pointe de flèche est issue d'un ramassage de surface par l'artisan , d'où la patine naturelle ?

Incroyable aussi une vente sans nettoyage préalable afin de valoriser l'objet ...

Bravo et bonne continuation

  

Posté(e)

En fait, il s'agirait plus exactement d'un travertin: "travertine limestone" en VO. C'est une roche de bonne qualité lapidaire exploitée sur la réserve même de Zuni. Le style de sculpture de ce petit loup permet, avec une bonne marge de confiance, de l'attribuer à un membre de la famille Leekya. Ce sont les descendants directs de Leekya Deyuse, un célèbre sculpteur de fétiches au début du XXè siècle. Il n'est pas signé, mais quand un fétiche avait un usage "magique" traditionnel, il ne l'était jamais.

 

A ce propos, sur l'origine des pierres utilisées par les sculpteurs de Zuñi (avant l'expansion actuelle de cette activité qui a multiplié et ouvert sur le monde leurs sources d'approvisionnement pour le meilleur et pour le pire...), il y a quelques anecdotes. Par exemple, l'autorisation octroyée officiellement aux Zuñi par leurs voisins Apaches de collecter des galets et pierres de serpentine le long de la rivière Gila en Arizona, "parce que les Apaches n'ont aucun usage de ces pierres".

 

Un autre gisement sur la réserve de Zuñi a été découvert dans les années 50 par un berger-sculpteur:  il s'agissait d'une roche riche en azurite/chrysocolle/malachite, qu'il a utilisée dans son travail en placages et incrustations. Une fois ce gisement de très faible ampleur épuisé, il en a cherché un autre et a fini par le trouver, mais au bout de plusieurs années de prospections. Il y a également à Zuñi un site à fluorine essentiellement violette et mêlée de quartz. La difficulté actuellement est de détecter, si c'est encore possible, ces roches autochtones de Zuñi dans la masse de la production.

Posté(e)

bonjour,

je me contenterais de la ceinture Navajo feminine, du fétiche ours zuñi, et du dernier petit loup, superbe travail! 

le dernier objet présenté pourrait il être une reproduction "actuelle"  de rituel de chasse ancien?, en tout cas, magnifique dans la simplicité et pureté  des lignes (tout comme l'ours d'ailleurs)

merci

Posté(e)
Il y a 15 heures, antakari a dit :

le dernier objet présenté pourrait il être une reproduction "actuelle"  de rituel de chasse ancien

En fait, l'usage traditionnel d'un fétiche  pour le succès et la protection du chasseur semblent avoir toujours cours chez les Pueblos, par fidélité à leurs traditions. Cela relève d'une spiritualité animiste toujours profondément ancrée. En plus de cet usage, il y a celui, plus général, de l'image de l'animal sacré d'un clan, ou d'une kiva (fraternité religieuse qui réunit des gens de clans différents), ou plus simplement, souhaiter acquérir les qualités intrinsèques attribuées à l'animal qui est représenté.

Par exemple, le loup  chez les Zuñi symbolise la direction de l'Est, le chasseur intelligent, mais aussi la fidélité, la solidarité, la loyauté, le partage des connaissances, autant de traits de comportement observables dans les meutes de loups.

 

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