Il suffit que tu me le demandes, Serge ! Comme j'avais le choix entre plus, un peu plus, beaucoup plus… j'ai choisi ! (C'est tiré d'un inédit à paraître un de ces jours dans le Bulletin du Club de Minéralogie de Chamonix ; comme toujours !) Voilà :
" Béryl émeraude. Mais d'abord, mis à part d'être un béryl et sans doute la gemme la plus prisée, qu'est donc exactement une émeraude ?
Durant les centaines d'années qui ont précédé la mise en application de la chimie moderne, de nombreuses pierres d'un vert attractif étaient appelées émeraudes. Ce fut le cas des péridots de Zebirget (prononcer *zabargat) en Mer Rouge.
Vauquelin, qui avait découvert le chrome dans le " plomb rouge de Sibérie ", retrouva ce nouvel élément dans le " fer chromaté aluminé de la Carade " (83, Cavalaire) et dans le " béryl émeraude " ( pas " de France " ! mais " du Pérou " [dont faisait partie la Colombie à cette époque]).
C'est vers le milieu du dix-neuvième siècle que l'on décida à réserver l'appellation émeraude aux seuls béryls devant leur couleur verte à des traces – moins de 1 % – de chrome. Cette définition, stricte du point de vue chimique, mais très imprécise quant à la nuance colorée (nul ne sait ce qu'est le véritable " vert-émeraude "), resta en vigueur jusqu'en 1963. Á cette date, fut trouvé à Salininhas au Brésil, un magnifique béryl vert, coloré par le vanadium ; après bien des controverses, ce béryl fut accepté comme émeraude par le G.I.A. (Gemological Institute of America). Le béryl émeraude coloré par le vanadium est aussi connu en Afrique… Les " V-émeraudes ", sont des béryls riches en vanadium et en chrome…
Le fameux béryl rouge de l'Utah, est dit " American Red Emerald " par ceux qui le commercialisent. Ce béryl est parfois nommé " bixbite ", ou encore " bityite ". On se gardera de confondre " bityite " (la véritable bityite est un silicate dont le nom provient des monts Bity à Madagascar), et bixbyite (un oxyde cubique dédié à Maynard Bixby de Salt Lake City), d'autant qu'existe aussi la bisbeeite (un silicate fibreux dont le nom honore Bisbee, Arizona).
Les émeraudes de Franquiera, Galice, Espagne, dont la teneur en chrome est 0,11 %, gisent avec le chrysobéryl et la phénacite (ou phénakite – orthographe retenue par l’I.M.A.).
En 1831, Maksim Kozhevnokov, un paysan du district de Beloyarsk, trouva sur les bords de la rivière Takovaya, des émeraudes parmi les racines d'un pin arraché par la tempête. Les premières véritables émeraudes trouvées en Russie ! Émeraude en Russe se dit " izumrud " de " izumlenie " = " époustouflant " et " ruda " = " minerai " ; " Izumrudnye Kopi " c'est " la mine d'émeraude ", d'où viennent aussi des alexandrites et des phénacites ; selon certaines estimations cette zone de 25 km de long sur 2 km de large, aurait livré de 1831 à 1922 : 20 tonnes d'émeraudes, 3 tonnes d'alexandrites et 3 tonnes de phénacites. Dans les béryls émeraude de l'Oural, il y a substitution isomorphique d'aluminium par du chrome trivalent ; la coloration verte apparaît dès que la teneur en Cr3+ atteint 0,05 %, le vert profond correspond à des teneurs comprises entre 0,15 et 0,20 % de Cr3+.
Généralement, dans l’émeraude, moins de 1,5 % des ions aluminium sont remplacés par des ions chrome. Les émeraudes vanadifères du Brésil contiennent seulement quelques dix-millièmes de chrome, les émeraudes de Salininha contiennent 0,03 % de Cr et 0,15 % de Va. Dans la même région, les émeraudes de Santa Terezinha montrent des inclusions de talc, de chromite, et de pyrite.
L'émeraude a donné lieu à de nombreuses tentatives, plus ou moins réussies, d'imitation, que l’on les distingue des émeraudes naturelles par l'étude de leurs inclusions. L'emploi du filtre de Chelsea permet, quant à lui, de distinguer les émeraudes – naturelles ou artificielles – contenant du chrome, de celles n'en contenant pas et donc colorées par le vanadium ; en effet les premières apparaissent rouges par ce truchement, ce n'est pas le cas des secondes. Une nouvelle méthode, mise au point par une équipe de chercheurs de l'ORSTOM et du CNRS, basée sur le rapport de concentration de deux principaux isotopes (16 et 18) de l'oxygène présent dans les émeraudes, permet d'ores et déjà de reconnaître le gisement d'origine des spécimens, et du même coup leur authenticité.
Je ne m'étendrais pas davantage sur ce sujet qui, à lui seul, mériterait plusieurs pages. Je dirais seulement qu'existent, ou ont existé, en France quelques gisements où le béryl était présent.
Le gîte producteur le plus proche de notre région se situe en Suisse, mais il est dans l’ombre de celui du Habachtal en Autriche, déjà exploité par les Celtes et les Romains…"
Je te fais grâce de la bibliographie… À+