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Bourse minéraux Sainte Marie aux Mines 2024, avec fossiles et gemmes.
Bourse minéraux et fossiles de Sainte Marie aux Mines (Alsace) - 26>30 juin 2024

Non à la réserve naturelle aux Vaches Noires dans le Calvados en Normandie


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En tant que paléontologue professionnel (CNRS) connaissant bien les côtes normandes et leurs sites fossilifères, je commenterai uniquement la partie du projet de réserve portant sur la collecte des fossiles, et en particulier le passage suivant, qui résume à lui seul les aspects négatifs du projet :

Une seule activité sur l’estran sera interdite. Il s’agit de l’extraction et du ramassage de fossiles et de minéraux.
Des dérogations pourront être appliquées aux opérations à visée scientifique et pédagogique conduites sous la responsabilité du gestionnaire soit dans le cadre du plan de gestion, soit dans le cadre de conventions avec des structures partenaires validées par le comité consultatif.

Ce point appelle diverses remarques :

1) Comment peut-on espérer préserver en favorisant la destruction ?

La problème posé par cette proposition est évident : les fossiles dégagés des roches des falaises par l’érosion naturelle (pluie, circulations d’eau, vagues, marées) sont voués à une destruction inévitable, à assez court terme, s’ils ne sont pas ramassés. Interdire le ramassage revient donc à favoriser la destruction d’un patrimoine naturel et scientifique inestimable. Il existe donc une contradiction fondamentale entre l’objectif louable de protection de ce patrimoine et le projet d’interdiction de collecte. Les éventuelles dérogations ne permettraient en rien de résoudre le problème (voir plus bas).

2) La collecte des fossiles dans le contexte de falaises en cours d’érosion pose des problèmes particuliers

Il est clair qu’il n’est généralement pas souhaitable d’extraire les fossiles des falaises elles-mêmes, et d’ailleurs cette pratique est déjà interdite. La collecte de fossiles détachés par l’érosion est en revanche le seul moyen d’empêcher leur destruction. Compte tenu de la quantité de fossiles ainsi détachés et de l’ampleur des sites concernés, cette collecte ne peut absolument pas se faire uniquement à la faveur de « dérogations » (accordées suivant quels principes, à qui ?). Il est difficile aussi d’imaginer que puisse être recruté un nombre suffisant de paléontologues compétents pour assurer le « sauvetage » de tous les fossiles quotidiennement mis au jour par l’érosion sur l’étendue considérable des falaises incluses dans le projet de réserve – c’est tout simplement impossible. La seule façon de permettre un sauvetage efficace des fossiles en danger de destruction est de permettre la collecte au plus grand nombre possible de collecteurs. Cela implique qu’elle ne peut être réservée aux seuls paléontologues professionnels, beaucoup trop peu nombreux pour réaliser des collectes efficaces. Le rôle des amateurs est prépondérant à cet égard. L’emploi du terme « pillage » dans le texte de présentation est d’ailleurs malencontreux. Il peut exister des cas de pillage, mais ils ne sont pas fréquents (et s’ils existent il faudrait les documenter sérieusement).
Il est évident pour quiconque possède quelques notions de géologie que les différents sites naturels méritant une protection posent des problèmes différents en fonction de la géologie, du climat, de l’environnement général. Par exemple, vouloir appliquer exactement les mêmes règles à des formations géologiques continentales à l’intérieur des terres sous un climat méditerranéen et à des formations marines en bordure de mer sous un climat océanique est absurde. Le système de dérogation envisageable (éventuellement – il y aurait fort à dire sur ce point !) pour des gisements de vertébrés fossiles en Provence ne peut simplement pas s’appliquer à la récolte de fossiles au pied des falaises du Calvados, où il est pratiquement impossible de planifier des récoltes, car la mise au jour des fossiles par l’érosion est aléatoire.

3) Importance des collections d’amateurs pour la recherche paléontologique et les musées

Il est important de souligner l’importance des récoltes des amateurs pour la recherche paléontologique. J’ai eu l’occasion depuis une quarantaine d’années de décrire, dans diverses publications, un nombre assez importants de restes de vertébrés fossiles (ichthyosaures, crocodiles, dinosaures, ptérosaures) provenant du Jurassique et du Crétacé des falaises de Normandie (Calvados et Seine-Maritime). Tous, sans exception, avaient été découverts par des amateurs, et ils sont aujourd’hui dans des collections publiques. Mon cas n’est évidemment pas isolé.
Des études récentes, notamment celles de Lucie Plançon lors d’un stage au Paléospace, sur les pratiques des amateurs montrent qu’en général les collections privées finissent par parvenir dans des musées ou autres collections publiques. Les collections de fossiles provenant des falaises du Calvados qui sont présentes dans de nombreux musées, en France et ailleurs, étaient, pour leur grande majorité, à l’origine des collections privées réalisées par des amateurs, et à l’heure actuelle c’est par l’acquisition (via dons ou achats) de collections privées que les musées augmentent leurs collections. Pour ne citer que des exemples normands, c’est le cas notamment des musées de Villers, du Havre, d’Elbeuf...
Il est donc évident qu’une interdiction faite aux amateurs de récolter des fossiles aurait des conséquences désastreuses tant pour la recherche paléontologique que pour l’enrichissement des collections des musées. Souhaite-t-on que la collecte des fossiles devienne une activité punie par la loi, et qu’un marché noir se développe à partir de récoltes devenues illégales ?

4) Le projet d’interdiction de collecte est-il anti-scientifique et anti-musées ?

On peut donc s’interroger sur les motivations du projet d’interdiction, dont la justification n'apparaît pas dans le document. Au-delà du plaisir assez pervers d’interdire, elles paraissent pour le moins obscures, notamment quand on considère que toutes les autres activités traditionnelles sur l'estran resteront autorisées. Les conséquences inévitables de ce projet seraient contraires au progrès de la science paléontologique et au développement des musées. Est-ce délibéré ? On peut se poser la question. Suivant des informations fiables, une personne défendant l’interdiction de collecte serait allée jusqu’à traiter les musées possédant des collections paléontologiques de « receleurs ». Si le fait est avéré, il est extrêmement grave car il témoigne d’un obscurantisme anti-scientifique inquiétant. Les collections des musées sont indispensables à la recherche paléontologique tout autant qu'à l'éducation du public. Y aurait-il donc derrière le projet d’interdiction de collecte des fossiles des intentions anti-scientifiques motivées par une conception dévoyée de la protection du patrimoine ?

5) Les aspects éducatifs sont-ils pris en compte ?

De nombreux contributeurs au débat soulignent l’aspect éducatif de la recherche des fossiles. La découverte de l’histoire de la Terre et des êtres vivants passe souvent, notamment chez les enfants, par la collecte de fossiles. L’interdiction est donc vue comme un obstacle à la découverte de la nature, et les « dérogations » à but éducatif mentionnées dans le projet n’y changeront rien, avec leur côté bureaucratique à l’opposé d’une certaine liberté de se cultiver par soi-même. On s’attaque là à un passe-temps instructif qui, répétons-le, a pour conséquence la préservation d’un patrimoine, non sa destruction. A une époque où il est souvent question de science participative, interdire au plus grand nombre (à tout le monde, en fait) l’accès à un aspect facilement accessible de la culture scientifique est pour le moins paradoxal. Un des rôles de la réserve devrait être d'aider les collectionneurs à identifier et mettre en valeur les fossiles qu'ils récoltent, et de les inciter à se rapprocher des musées pour assurer la pérennité de leurs collections, et certainement pas de mettre en œuvre une politique d'interdiction aveugle.

6. La collecte des fossiles en tant que tradition culturelle locale

On peut aussi faire remarquer que cet aspect « grand public » de la collecte des fossiles est bien établi au long des côtes normandes depuis deux siècles au moins. Ces deux siècles de récolte de fossiles n’ont évidemment pas conduit à la destruction du patrimoine paléontologique, ils l’ont préservé, comme en témoignent les collections des musées. Il est très discutable de parler (comme cela est le cas dans le document) d’une « pression » sur ce patrimoine, d’abord parce qu’il n’y a à ce sujet aucune étude quantitative (comme le reconnaît le document), et aussi parce que la pression n’était certainement pas moins forte autrefois. On peut même faire remarquer que les marchands de fossiles des stations balnéaires de la côte normande, mentionnés dans de nombreux guides touristiques au XIXe siècle, n’existent plus, ce qui suggère que la « pression » (en tout cas mercantile) a diminué plutôt qu’augmenté.
La collecte des fossiles sur la côte normande a ses lettres de noblesse, via notamment la littérature. Et il est ironique d’imaginer George Sand, de nos jours, finissant entre deux gendarmes pour avoir ramassé une ammonite au pied des Vaches Noires...


6) Y a-t-il eu concertation préalable ?

On peut remarquer que l’interdiction de collecte des fossiles, telle qu’elle est présentée, dans le projet, ne fait l’objet d’aucune justification sérieuse et étayée. On interdit pour le plaisir d’interdire, semble-t-il. Cela mène à s’interroger sur la façon dont le projet a été conçu. Il ne semble pas que l’avis de paléontologues compétents ayant une connaissance réelle des fossiles de la région concernée ait été sollicité. Il est certes fait mention du Paléospace, mais selon mes informations de première main, ce musée a seulement été averti du projet, sans aucune discussion réelle avec ses responsables. Il faut noter aussi qu’apparemment aucune association compétente dans le domaine de la paléontologie n’a été consultée. L’Association Paléontologique Française (qui regroupe une bonne partie des paléontologues professionnels français ainsi que nombre d’amateurs compétents) n’a pas été appelée à émettre un avis lors de la conception du projet. Tout comme la Société géologique de France, l'Association Paléontologique Française s'est récemment prononcée contre l'interdiction du ramassage.
Le manque total de clarté au sujet d’éventuelles consultations de personnes ou d’associations compétentes conduit à s’interroger sur les inspirateurs réels du projet. Une certaine association de protection du patrimoine géologique, qui ne représente qu’elle-même et ne semble pas spécialement compétente en paléontologie, est souvent évoquée, à tort ou à raison, pour lui prêter des intentions peu louables de mainmise sur les sites fossilifères. L’obscurité à ce sujet nourrit toutes les rumeurs. On peut d’ailleurs à bon droit s’interroger sur les « structures partenaires validées par le comité consultatif » mentionnées dans le document. Comment seraient-elles choisies, sur quels critères ? On voit déjà s'agiter certains petits groupes soucieux apparemment de monopoliser les « dérogations » au détriment de structures plus compétentes, notamment les musées. Toutes les dérives paraissent possibles. Organiser un réel débat entre spécialistes compétents (que l’on peut trouver également parmi les amateurs, pas uniquement dans les laboratoires de recherche et les musées !) avant de prendre des décisions drastiques serait plus que souhaitable !

6) Retombées économiques

Il semble que les porteurs du projet d’interdiction de collecte des fossiles n’aient pas mesuré l’ampleur de ses conséquences économiques probables. Le nombre de personnes qui viennent en vacances sur la côte normande pour le plaisir d’y récolter des fossiles est loin d’être négligeable. Il est évident qu’il n’y viendront plus si la collecte est interdite (certains l’ont affirmé clairement sur les réseaux sociaux). L’attractivité des musées locaux ne peut aussi que diminuer, faute de nouveaux spécimens à présenter au public. Il est donc permis de s’inquiéter des conséquences pour le tourisme local. Il semble que certains élus locaux soient conscients du problème, et il est souhaitable qu’ils s’expriment à ce sujet.

7) Est-il interdit de s’inspirer de ce qui réussit ailleurs ?

Un des points étonnants du projet d’interdiction est qu’il semble ignorer volontairement les mesures de protection et valorisation du patrimoine géologique et paléontologique qui ont été mises en œuvre avec succès ailleurs, dans des conditions environnementales proches de celles de la côte du Calvados. On pense évidemment à ce qui a été réalisé sur la côte du Dorset, dans le Sud de l’Angleterre, où des couches mésozoïques très fossilifères sont connues depuis longtemps, dans un contexte géologique et géographique proche de celui du Calvados. Une réelle concertation entre tous les acteurs intéressés (amateurs, professionnels, musées, défenseurs de l’environnement) a permis d’aboutir à un code qui satisfait apparemment tout le monde. Cette portion de côte (Jurassic Coast) a d’ailleurs été classée au patrimoine mondial de l’UNESCO (ce qui a peu de chance d’arriver à la côte du Calvados si le projet d’interdiction de collecte, qui semble faire surtout des mécontents et se signale par son caractère arbitraire et autoritaire et son mépris pour le public, est mis en oeuvre). Il paraît pour le moins surprenant qu’on n’ait pas songé un seul instant à s’inspirer de ce modèle anglais participatif, qui fonctionne bien et n’est pas spécialement difficile à mettre en œuvre. L’argument que l’on a pu entendre, du style « ici on est en France », relève évidemment du chauvinisme et de la xénophobie...Peut-on espérer un sursaut qui conduirait à s’inspirer de ce qui fonctionne bien à l’étranger ?
Pour plus de détails sur le code en vigueur dans le Dorset :
https://jurassiccoast.org/wp-content/uploads/2015/10/West-Dorset-Fossil-Collecting-Code-of-Conduct.pdf

7) Conclusions

On peut s’étonner de ce qu’un projet visant à la protection d’un patrimoine naturel que chacun s’accorde à reconnaître exceptionnel suscite autant de rejet. Ce rejet tient principalement à un seul point du projet, l’interdiction totale de la collecte des fossiles. Je pense avoir montré à l’aide des arguments développés plus haut ce que cette interdiction, en plus de son caractère liberticide, serait absurde, contre-productive, anti-scientifique, anti-éducative et anti-culturelle. Il est plus que temps qu’une concertation réelle, avec des partenaires représentatifs et compétents, ait lieu, afin de parvenir à un code de conduite comparable à ce qui pu être mis en œuvre avec succès ailleurs dans le monde.


Eric BUFFETAUT

Docteur ès-sciences
Directeur de recherche émérite au CNRS (Laboratoire de Géologie de l’Ecole Normale Supérieure, Paris)
Ancien président de l’Association Paléontologique Française
Membre des comités scientifiques du Paléospace et du Muséum du Havre

 

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Directrice de Recherche au CNRS, paléontologue spécialiste de reptiles marins de l'Ere Secondaire, je connais la côte normande et plus spécialement le site mondialement connu des Vaches-Noires depuis 1991. Permettez-moi - avec l’exemple concret de ce gisement phare - d’évoquer une situation qui s’applique en fait à l’ensemble des sites côtiers qui seront inclus dans le périmètre du projet de Réserve Nationale Naturelle des falaises du Calvados.

 

En 1991, alors en thèse de 3ème cycle à l'Université Pierre et Marie Curie (Paris 6), j'ai été employée quatre étés de suite comme guide pour faire visiter la falaise des Vaches-Noires et expliquer, tant sa formation que son contenu fossilifère aux touristes. Cette nouvelle activité était une initiative mise en œuvre conjointement par l'APVSM et la Mairie de Villers-sur-Mer. Je fus d'ailleurs la première à "essuyer les plâtres" en effectuant la toute première visite, en présence de Mme la Députée Nicole Ameline et du Maire de Villers-sur-Mer de l’époque !

 

Ce fut un grand succès ! Depuis cette lointaine époque en effet, l’engouement pour les activités paléontologiques à Villers-sur-Mer (mais également dans toute la région) n’a jamais faibli. Il suffit de regarder les nombreuses activités proposées annuellement, qu’il s’agisse des visites des Vaches-Noires, des activités variées proposées tant par le Paléospace que par l’APVSM et qui incluent l’invitation de conférenciers, l’organisation de congrès, etc., pour s’en convaincre.

 

Mais cette activité paléontologique dans la région est en fait beaucoup plus ancienne. Les Vaches-Noires sont en effet un site paléontologique de référence, reconnu dans le monde entier pour sa richesse, tant en restes d'invertébrés et de vertébrés fossiles d'âge Jurassique moyen-supérieur (autour de 150 millions d'années). Connu depuis la fin du 18eme siècle, le site a connu son "Âge d’or" au 19ème siècle, avec la naissance du tourisme balnéaire. Et au 20ème siècle, l'intérêt de la paléontologie locale n'a pas faibli grâce à l'action de nombreux paléontologues amateurs, réunis dans l'APVSM sous l'impulsion dynamique de Mr. et Mme Charles et de leurs successeurs, ainsi que des nombreux scientifiques, tant de la région normande que d'ailleurs, qui ont assuré la publication des découvertes paléontologiques et de la géologie locale.

 

Une des caractéristiques majeures de ce site (et de tous ceux inclus dans le périmètre du projet de RNN situés sur la côte du Calvados) est que la majeure partie des fossiles a été découverte par des paléontologues amateurs, voire de simples promeneurs, la plupart du temps de manière fortuite ! Pourquoi cette situation ? Tout simplement car ces sites sont soumis à l’action des marées et qu’on ne peut donc de facto (ou CQFD, comme vous voulez) pas y faire de fouilles mais seulement des récoltes rapides à marée basse.

 

Depuis cette lointaine époque également, je suis devenue une habituée de Villers-sur-Mer et de sa falaise des Vaches-Noires, tant d'un point de vue personnel (j'y passe souvent quelques jours de vacances l'été) que professionnel :
1) je fais partie du comité scientifique du Paléospace depuis sa création et collabore régulièrement avec ses membres ;
2) j'ai été invitée plusieurs fois par l'APVSM à faire une de leurs conférences estivales et à les accompagner lors de sorties aux Vaches-Noires ;
3) j’ai tissé des liens amicaux et collabore régulièrement avec plusieurs paléontologues amateurs de la région, tant pour l'expertise de certaines de leurs découvertes que pour la publication d'autres (voir bibliographie ci-dessous).

 

La création d’une Réserve naturelle est toujours intéressante afin de préserver faune, flore et paysages locaux de l’action destructrice de l’homme. Mais dans le cas présent, la clause stipulant "l’interdiction de ramassage des fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime (sauf dérogations préfectorales)" contredit totalement la philosophie de "conservation de l’intégrité du patrimoine géologique" de toute Réserve naturelle. Cette clause, dénuée de bon sens au vu de la situation bien particulière que constitue ces falaises en front de mer énoncée ci-dessus, est au contraire en contradiction avec ce principe de base et s’avèrera totalement contreproductif : en empêchant la récolte libre, spontanée et ouverte à tous des fossiles se trouvant sur la plage, ces derniers seront, soit détruits par les marées et l’érosion côtière (si on les laisse sur place et qu’on attend les dérogations…), soit non signalés aux autorités et scientifiques concernés (si on les ramasse mais qu’on n’a pas envie d’être accusé de recel et autre activité illégale…). Cela peut même amener à la création d’un trafic de fossiles local qui n’existe pas actuellement.

 

En clair, ni les scientifiques concernés, ni les institutions de conservation et de valorisation du patrimoine tel que le Paléospace (mais aussi l'Université de Caen, les musées du Havre et de Rouen, etc.), ne verront plus aucun fossile issu de cette côte du Calvados. Comme "philosophie de conservation", on peut rêver mieux…

 

Comme beaucoup de paléontologues professionnels et amateurs, ma passion pour cette discipline scientifique m’est venue enfant, par la découverte et la récolte de coquillages fossiles. Ce sont eux qui m’ont faite rêver et ouvert les portes de ces "mondes révolus" si chers à Georges Cuvier. Ce sont eux qui depuis l’âge de 7-8 ans m’ont fait "tenir le cap" pour que cette passion d’enfant devienne mon métier. Me suis-je mise hors la loi en récoltant enfant ces quelques coquilles ? Serai-je devenue paléontologue si je n’avais pas eu cette double possibilité de les trouver et de rêver dessus ?

 

Je m’oppose donc fermement à la clause paléontologique de ce projet en demandant que :
1) L'interdiction du ramassage des fossiles détachés sur la plage soit remplacée par une clause plus adaptée et intelligente autorisant une récolte raisonnée des spécimens présents sur la plage, ouverte à tous, en toute circonstance ;
2) Les autorités compétentes en la matière (paléontologues professionnels et amateurs, associations, institutions locales de conservation, de formation et de divulgation des savoirs, etc.) soient consultées. Cela n’a pas été fait en amont du projet… Comment pourrait-on ainsi prendre ce projet au sérieux – au moins pour son volet paléontologique - si les principales autorités compétentes et aptes à donner un avis éclairé sur le sujet n’ont pas été consultées ?

 

Rappelons finalement que la découverte, l’étude, la protection et la valorisation du patrimoine paléontologique (ou autre) passe par l’éducation et la sensibilisation à la valeur de ce patrimoine, non à l’interdiction d’y avoir accès…

 

Paléontologiquement votre,
Nathalie BARDET - Directrice de Recherche au CNRS
Centre de recherche en Paléontologie – Paris, Muséum National d’Histoire Naturelle.

 

Bibliographie personnelle sur le sujet :

BARDET N., PENNETIER E., PENNETIER G., CHARLES A. & CHARLES J. (1993). Des os énigmatiques à section triangulaire dans le Jurassique moyen (Callovien) de Normandie. Bulletin Trimestriel de la Société Géologique de Normandie et des Amis du Muséum du Havre, 80 (3-4) : 7-10.

BARDET N., PENNETIER G., PENNETIER E. & QUEROMAIN J. (1993). Présence du pliosaure Liopleurodon ferox SAUVAGE dans le Callovien de Villers-sur-Mer (Normandie). Bulletin Trimestriel de la Société Géologique de Normandie et des Amis du Muséum du Havre 80 (3-4) : 11-14.

BARDET N. (1993). Pliosaurs and plesiosaurs from the Middle Jurassic (Callovian) of Normandy. Revue de Paléobiologie, Genève, 7: 1-7.

BARDET N. (1996). Les plésiosaures du Callovien de Normandie. L'Echo des Falaises, Villers-sur-Mer, 2, 11-20.

VINCENT P., BARDET N., MATTIOLI E. & SUAN G. (2013). Un nouveau plésiosaure en Normandie (Calvados, France). L’Echo des Falaises, Villers-sur-Mer, 17 : 17-24.

BARDET N. (2014). Les ichthyosaures et les plésiosaures du Jurassique et du Crétacé des falaises des Vaches-Noires (Normandie, France). Fossiles, H.S. nº 4 : 98-104.

BARDET N. & BUFFETAUT E. (2018). Quand la Normandie était sous la mer. Les falaises jurassiques et crétacées des Vaches Noires. Espèces H.S. « Sites paléontologiques de France », 28 : 24- 31.

BARDET N. (2020). Les reptiles marins du Jurassique de Normandie des collections de Caen et du Havre détruites pendant la Seconde Guerre mondiale à la lumière des publications anciennes : que nous disaient-elles ? Actes du premier colloque de l’APVSM, « Paléontologie et Archéologie en Normandie », 5-6 octobre 2019. Bulletin de l’Association Paléontologique de Villers-sur-Mer, 1 : 41-48.

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Voilà deux contributions fort pertinentes (et pour cause).

 

La volonté administrative stupide de mettre à tout prix un pourcentage du territoire en réserve géologique m'a souvent paru un dogme existant, au mépris des réelles nécessités et sans prendre en compte le rapport bénéfice/risque de telles mesures. Il est désastreux que des gratte papiers dogmatiques passent outre l'avis des plus grands paléontologues du pays sans avoir pris en compte les spécificités du site qui n'est pas un affleurement, ni une carrière.

 

Ce qui est fabuleux c'est que ces même personnes n'ont pas songé à interdire la pêche à pied au motif de préserver la biodiversité ce qui serait tout à fait dans leur raisonnement, voire plus justifié.

 

Au fait qu'en dit la Commission Régionale du Patrimoine Géologique de Normandie ? Et qui la constitue ?

 

Serge

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Autre contribution, intéressante car différente 🙂

 

 

Contribution n°642 (Web)

 Par Arnaud Pagnard
 Déposée le 13 septembre 2022 à 11h11 
Bonjour,

mes références en tant qu’ingénieur et scientifique sont comparables à celles d’autres personnes très respectables qui ont apporté des contributions à cette enquête.

Toutefois, je n’en ferai pas état ici, car c’est simplement en tant que citoyen attaché à la défense des principes républicains que j’interviens : je me permets en effet de rappeler que toute délégation d’autorité dans notre pays, administrative ou autre, procède en dernier ressort des citoyens.

Or comme l’ont observé certains des contributeurs à cette enquête, le projet qui nous est présenté, pour explicable qu’il soit (peut-être) dans ses intentions, constitue une sur-réaction à des problèmes dont il déforme et exagère lourdement la réalité, et qu’il prétend traiter.

Cette initiative illustre de façon caricaturale une dérive technocratique bien connue : un problème ? Vite, une avalanche de règlements, contraintes et interdictions !

Soyons clairs : qu’il soit souhaitable de protéger certaines richesses que le passé nous a léguées, ne pose pas question à mes yeux.

Encore faut-il le faire de manière raisonnable, honnête et proportionnée, ce qui est très loin d’être le cas ici, à la lecture des dispositions et interdictions incluses dans le projet de décret joint au dossier, souvent non injustifiées quoique camouflées sous une logorrhée administrative absconse.

L’une de ces dispositions - qui confine à l’absurde kafkaïen, mais c’est loin d’être la seule – est l’interdiction qui serait faite de ramasser des échantillons et des fossiles sur les grèves. Examinons un peu les « arguments » invoqués à l’appui de cette absurdité.

1/ Il s’agirait d’empêcher la destruction de ces fossiles. Ah oui, vraiment ?

Prenons le seul exemple des falaises de Vaches Noires. Le volume de terre éboulé et emporté par la mer peut être approximativement estimé à : 
Recul moyen du trait de côte annuel (~30 cm, voir dans le dossier)
x hauteur des falaises (~80 mètres)
x longueur de la côte concernée (~4 300 mètres)
= environ 100 000 mètres cubes par an, soit près de 300 mètres cubes par jour !

Or chacun de ces mètres cubes contient au bas mot plusieurs centaines de fossiles, ce qui porte le nombre de ceux qui sont détruits par la mer à plusieurs dizaines de milliers par jour.

La quantité de fossiles détruits par la mer chaque année est donc gigantesque. Ces fossiles sont très banals dans leur quasi-totalité, sans aucun intérêt commercial, et leur recherche en grand nombre ne présente donc aucun intérêt scientifique.

Prétendre en interdire le ramassage, c'est-à-dire le sauvetage, par des promeneurs du dimanche est donc une de ces superbes Ubu-ïtés technocratiques, doublée d’un abus de pouvoir d’interdire, donc d’une atteinte à la démocratie républicaine, ce qui est beaucoup plus grave.

En outre, l’argument selon lequel il faudrait n’autoriser le ramassage d’échantillons qu’à quelques obscurs lobbyistes bien en cour, et l’interdire à un Vulgum Pecus par définition ignare et saccageur, est sidérant de mépris.

L’effet réel de cette mesure sera donc, au contraire, d’empêcher la préservation de ces fossiles et de les laisser détruire par la mer.

2/ Sous prétexte qu’il serait difficile à la Police de connaître le lieu de ramassage d’un fossile, toute personne rapportant des échantillons tombés sur la plage serait présumée coupable de l’avoir volée en place dans la falaise.

Cet argument est sidérant de mentalité répressive.

Dans la même veine, je propose que soit présumé coupable de dictature tout Préfet qui apparaîtrait en uniforme, car il est difficile pour les citoyens de distinguer un uniforme de Préfet de la République de celui d’un militaire de dictature.

Alors, comme disait l'autre: tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens.

3/ Un 3ème « argument » serait qu’il faudrait aligner la réglementation sur celle de tous les autres sites comparables.

Cet « argument » est tout à la fois faux et indigent :

- Faux, car il existe des réserves où le ramassage de fossiles n’est pas encore interdit par la technocratie (voir contribution n° 503, par exemple),

- Indigent, car cela revient à dire qu’il faut refaire aveuglément ici des erreurs sous prétexte qu’elles ont déjà été faites ailleurs, c’est-à-dire sans vérifier si les dispositions prises ailleurs sont adaptées aux conditions d’ici, et si elles sont bien-fondées.

4/ Cette interdiction est défendue par quelques prétendus experts auto-proclamés en mal de buzz, qui s’arrogent la prétention de définir seuls et dans l’étroit champ de vision de leurs œillères corporatistes, ce qui devrait être bon ou mauvais pour la collectivité.

Il est fort heureux, et rassurant, que la plupart des contributions apportées à ce dossier par des scientifiques exprime une forte opposition, et pas seulement pour des raisons scientifiques.

EN CONCLUSION :

En tant que citoyen, rien ne m’oblige à justifier mon avis sur tel ou tel sujet, mais ici, je le fais volontiers.

J’ai donc indiqué pourquoi je m’oppose en bloc à ce projet technocratique.

EN REVANCHE, je demande qu’il soit remplacé par un projet de protection intégrale de toute la vallée de l’Orne au Sud du périphérique de Caen et au-delà de May-sur-Orne, tout en laissant autorisés les échantillonnages d'amateurs.

En effet, si l’on voulait vraiment protéger la richesse paléontologique du Calvados, on commencerait – par exemple - par interdire tout chantier, tout lotissement, tout terrassement, toute exploitation de carrière, qui saccagent depuis des décennies ces magnifiques couches géologiques fossilifères du Pleinsbaschien de la vallée de l’Orne, dans tout le Sud de Caen (secteur de Fleury-sur-Orne, St-André-sur-Orne, Bully, May-sur-Orne, Fresney-le-Puceux, et au-delà), et on permettrait aux amateurs de sauver ce qui peut encore l'être.

Arnaud Pagnard
13 septembre 
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1. Je suis habitant de Port-en-Bessin depuis 2006, j’habite une maison dont je suis propriétaire au 6 rue de la Croix, donc sur le versant de la falaise occidentale surplombant le quai Letourneur. Je pratique la course à pied, la baignade, la pêche, le vélo, le parapente et je promène mon chien sur les falaises environnantes. Je suis enseignant en exercice.

 

2. J’estime que ce projet  est insuffisamment motivé, disproportionné, redondant par rapport aux nombreuses interdictions existantes, auxquelles il ne va faire qu’ajouter, empoisonnant la vie des citoyens qui chaque mois se voient infantilisés par de nouveaux règlements produits par une technocratie toujours plus avide de produire du règlement et de l’interdiction. Depuis que j’habite ici, chaque année, je vois se restreindre mon périmètre de liberté de mouvement. Les services municipaux, départementaux, régionaux, préfectoraux, et maritimes rivalisent d’inventivité pour pondre de nouvelles interdictions et poser de nouvelles barrières. Je me demande dans quelle mesure ces atteintes à la liberté de circuler, quand elles atteignent de telles proportions et qu’elles ne sont motivées que par des présomptions plus ou moins scientifiques, sont conformes à l’article 13 du préambule de notre constitution. Avec ce projet de réserve géologique, ces interdictions vont redoubler.

 

3. Ce projet représente de grands frais pour la collectivité.  Il faut payer des cabinets d’étude, des fonctionnaires qui rédigent, de nouveaux agents en charge de faire appliquer. Or rien de tout cela n’est chiffré ! Le chapitre « Les incidences socio-économiques du projet de réserve naturelle » ne contient aucun article relatif au coût de création et de fonctionnement de ladite réserve, qui a pourtant bien une « incidence économique » sur les finances publiques.

Il est donc étonnant, en ces temps de « sobriété » programmée, que le projet d’enquête ne contienne aucun budget prévisionnel ni aucune analyse des coûts qu’occasionnera la réserve au contribuable (et qu’elle occasionne déjà). Il me semble que toute collectivité publique doit se soumettre à cet exercice avant tout projet : au nom de quoi le préfet et le comité d’étude s’en sont-ils dispensés, alors que tous les sites gouvernementaux de méthodologie pour les collectivités territoriales préconisent un chiffrage prévisionnel ? L’enquête publique porte donc sur un dossier incomplet, non réglementaire. Je pense en particulier aux articles 14 et 15 de la déclaration de 1789 :

Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. 

Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

 

4. Je note par ailleurs la drôle de conception de l’enquête publique par un préfet qui, dans  la rédaction de l’article 9 de l’avis d’enquête, fait passer la charrue de l’administration avant les bœufs des propriétaires : en effet dire que « à défaut d’accord de l’ensemble des propriétaires concernés, le classement est prononcé en Conseil d’État », c’est bien affirmer que le classement est en fait déjà décidé, puisque l’éventualité de le retirer en cas de désaccord n’est même pas évoquée. On voit bien encore une fois s’exprimer la centralisation et la verticalité des pratiques administratives : les consultations ne sont que de pure forme, la décision est déjà prise en amont.

 

5. Le principal ennemi des falaises du Bessin, c’est la mer, que des dizaines de milliers de fonctionnaires et des tonnes de réglementation ne parviendront jamais à freiner dans ses énormes mouvements de destruction. Depuis que j’habite ici, j’ai vu s’effondrer des pans entiers de falaises, partir au flot des milliers de ces fossiles qu’il s’agirait de protéger des activités humaines. D’ailleurs, les règlements existent déjà depuis le 19ème siècle (lire Bouvard et Pécuchet de Flaubert) interdisant la collecte de fossiles (on les retrouve à l’art. 411 du Code de l’environnement et décrets d’application), ainsi que la beaucoup d’activités que la réserve se propose d’interdire. Ce projet ne fait donc que rajouter des couches au mille-feuilles réglementaire, dont beaucoup de textes ne sont déjà pas appliqués. La France croule sous les règlements.

Ainsi, je cours à peu près tous les jours sur les falaises ou au pied des falaises environnant Port-en-Bessin. Je vois de temps en temps des promeneurs occupés à recueillir des fossiles, je n’ai jamais vu un agent venir leur signifier leur infraction. Personnellement je m’en réjouis tant que le prélèvement reste modeste puisque de toutes façons ces fossiles de surface seront emportés par la mer, mais cela montre bien que pour appliquer toutes les interdictions que recèle ce projet de réserve pharaonique, il faudrait embaucher des dizaines ou des centaines d’agents, qui bien entendu ne se déplaceront pas en vélo ou à pied, mais contribueront à la pollution routière et au dérangement de la faune en arpentant le territoire à la recherche de contrevenants.

 

6. Le projet fait plusieurs milliers de pages. Il est impossible à étudier sérieusement par le public. Il est donc réservé à l’élite qui le conçoit. Certes, il y a bien des encadrés de synthèse, mais ceux-ci sont parfois mensongers, rhétoriques, cherchant seulement à emporter l’adhésion d’un lecteur perdu dans la technicité des documents proposés (de niveau bac +8, je confesse ne pas comprendre de nombreux textes de ce dossier).

Ainsi quand je lis p. 38/53 du résumé du projet que « le vol libre pourra continuer à être pratiqué dans le même contexte réglementaire qu’actuellement », c’est faux.Nos représentants des clubs de parapente de la région ont cru en la bonne foi de cette déclaration, ils n’ont pas regardé le texte du décret. Je vois en effet à l’article 20 du projet de « décret portant création » que sont interdits aux aéronefs non motorisés, du 15 février au 15 août, le vol stationnaire sur la zone du Bessin occidental, ainsi que le survol à une hauteur inférieure à 300 mètres au-dessus de la ligne de crêtes allant de la Pointe du Hoc à St-Pierre-du-Mont.

Il reste à définir la notion de « vol stationnaire » appliqué à un parapente qui effectivement, lorsque le vent est fort, peut faire du vol quasi stationnaire par rapport au sol, mais je me demande si le rédacteur n’a pas repris ce terme aux activités motorisées (drones, hélicoptères). Quoi qu’il en soit, le projet interdit de fait de voler aux parapentes et aux ailes deltas la moitié de l’année, puisqu’ils évoluent précisément entre 0 et 300 mètres au-dessus de la falaise.

J’ajoute que cette interdiction, portant sur la partie de la commune de Cricqueville, fait tousser. À la suite de grands travaux sur la falaise à coups de pelleteuses et de bulldozers, le département a en effet transformé en autoroute à vélos électriques l’ancien chemin que seuls prenaient les promeneurs à pied et quelques vététistes. Cette « véloroute » en dur disgracieuse, longeant la falaise jusqu’à en toucher l’arête, s’agrémente de parkings pour les voitures tout du long. On va donc s’attaquer aux « faibles », les quelques parapentistes qui profitent des rares conditions favorables pour voler à ces endroits (une à deux fois par mois, par conditions aérologiques très spéciales). Ils serviront de bouc émissaire aux « forts » qui continuent de polluer le bord des falaises et de déranger la faune avec des machines coûteuses en énergie, apportées le plus souvent sur un porte-vélos à l’arrière d’une voiture ou d’un camping car bruyants ! Notons en outre que c’est par centaines de milliers chaque année que viennent se promener les visiteurs motorisés sur cette commune de Cricqueville, pour visiter l’un des monuments les plus fréquentés de Normandie, la pointe du Hoc. À qui fera-t-on croire qu’une poignée de parapentistes menace un site pollué par tant de fréquentation ?

 

7. Pour rester sur cette question du vol, j’ai recherché attentivement les motivations de l’interdiction et ne les ai pas trouvées. J’ai bien vu en p. 130/293 et suivantes un inventaire de la faune aviaire observées sur les falaises, j’ai bien noté p. 136/ 293 le résumé des « enjeux majeurs relatifs à la faune » du Bessin occidental, mais je n’ai pas trouvé d’étude d’impact du vol non motorisé sur ladite faune. Pour être pilote moi-même, je constate que la cohabitation avec les oiseaux ne pose pas de problème particulier, au contraire. Ceux-ci, curieux, se plaisent souvent à venir voler de conserve. Il faudrait donc prouver que le vol des parapentes porte gêne aux oiseaux, et non les centaines de milliers de visiteurs des falaises.

 

8. Ce dernier point ne concerne évidemment pas que le vol, mais tous les « enjeux » dont le dossier fait la liste. Certes personne n’a envie de perdre les richesse naturelles du Bessin dont les scientifiques ont su faire le précieux inventaire, mais les principales menaces tiennent à l’érosion maritime, à l’urbanisation et à la concentration touristique, contre lesquels le projet ne peut ou ne fait rien. On « mite » ainsi sur 40 km les 100 km de côte de Grandcamp à Villerville afin de ne pas créer de conflit avec des forces économiques majeures – à tort ou à raison. L’ambition évoque le fameux « barrage contre le Pacifique » de la regrettée Marguerite Duras.

 

9. « Enjeu » n’est pas « menace » ni « risque ». Avant de prononcer des mesures d’interdiction visant telle ou telle sous-catégorie peu revendicative par nature de la population tout en ne s’attaquant pas aux plus gros prédateurs, il faudrait des études précises d’impact, et pas seulement des inventaires d’enjeux, comme le rapport le propose. On retombe sur le phénomène que je décris en 2 de « mesures présomptives ». On demande à des scientifiques de faire la liste des richesses naturelles du secteur, on décrète qu’elles sont en danger et donc qu’il faut en réglementer l’accès. De plus, on décrète que la menace vient d’une partie désignée de la population, mais il faudrait à tout le moins le prouver par une étude d’impact.

 

10. Dans le même ordre d’idée, je lis dans cette même page 38/53 que « la randonnée pédestre ne subira « pas d’incidence dans la mesure où elle intervient sur des chemins dédiés à cette fin ». Cela relève évidemment de la publicité mensongère destinée à  endormir les publics consultés. D’abord il n’y a pas partout de « chemins dédiés » à la randonnée pédestre sur les 38 km de réserve. Est-ce à dire que les randonnées doivent s’interrompre quand le chemin s’arrête ? De plus que signifie la contrainte de devoir rester sur un chemin quand un des plaisirs de la randonnée consiste précisément à s’écarter du sentier battu où circulent piétons et vélos (parfois à grande vitesse) pour un pique-nique ou un goûter avec les enfants ?

 

11. Enfin (car le temps me manque pour une analyse systématique), je suis indigné par  l’article 5-3 du projet de décret interdisant, sur 38 km de côte, falaise et estran compris, la promenade des chiens non tenus en laisse. Peut-être a-t-il échappé aux spécialistes de la faune sauvage qui ont conseillé les autorités qu’un chien, pour animal domestique qu’il soit, a néanmoins besoin de courir librement au moins une fois par jour, ce qu’il ne peut faire en laisse – à moins d’avoir un propriétaire athlète, et encore, cela dépend des races de chiens. Là encore, je promène tous les jours mon animal domestique sur les falaises et sur l’estran environnant Port. J’y croise de nombreux retraités qui n’ont pas les moyens physiques de courir avec leur chien ! La mesure est donc discriminatoire non seulement vis-à-vis des propriétaires d’animaux, mais également entre les propriétaires en état physique de courir et ceux qui ne le sont pas. Elle est également contraire à l’article 5 de la déclaration des droits de l’animal prescrivant que « l’élevage et l’utilisation de l’animal doivent respecter la physiologie et le comportement propres à l’espèce ». On peut admettre des interdictions localisées, la mesure est ici disproportionnée.

 

12. En conclusion, je considère que cette enquête publique n’a pas été conduite honnêtement, en présentant avec sincérité l’incidence réelle de la création de la réserve sur la vie des habitants du littoral et de ses visiteurs.

Elle ne chiffre pas les coûts qu’elle occasionne aux finances publiques.

Elle se propose des mesures d’interdiction disproportionnées quant aux menaces effectives pesant sur la zone concernée, dont aucune n’est avérée par une quelconque étude d’impact.

Je m’opposerai par tous les moyens légaux possibles à un projet technocratique démesuré, décidé d’en haut, portant atteinte grave à de nombreuses libertés civiles.

J’appelle tous ses concepteurs à revenir à une attitude sinon rationnelle du moins raisonnable, consistant à évaluer avec les citoyens les risques réels qu’ils font peser sur l’environnement naturel, et à envisager avec eux des mesures de protection consenties, le cas échéant.

Je pensais, en écoutant les dirigeants politiques de notre pays, que le temps des mesures autoritaires imposées d’en haut était révolu. Je constate avec effroi qu’il n’en est rien. L’administration est décidément indécrottable dans son appétit de domination.

 

Fait à Port-en-Bessin le 12 septembre 2022

 

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Par Le Gall Yvan
Déposée le 12 septembre 2022 à 22h57 

Bonjour,

En tant qu'enseignant en sciences du second degré, je considère qu'une interdiction de ramassage de fossiles sur l'estran, revient à appauvrir, voire empêcher, l'éveil aux curiosités naturelles des jeunes générations.
Les connaissances scientifiques et leur prise en main, in situ, doivent être ouvertes au plus grand nombre. D'autant plus qu'elles ne concernent majoritairement, pour le site des Vaches Noires, que des pièces communes.
Maintenir l'autorisation des collectes sur l'estran est un pari sur l'avenir pour :
- Les futures vocations.
- La culture générale de nos jeunes (tout ne s'apprend pas derrière un ordinateur).
- Le quidam qui cherchera à en savoir plus (achat de livres, visite de musées, etc. ...).
- L'image et l'attraction du lieu à l'international.

Le projet, tel qu'il est présenté, offre plus de pertes que de gains. 
Une plus grande pédagogie (panneaux, photos, guides itinérants, conseils, numéros d'appels en cas de découverte exceptionnelle, ...) sur le lieu et aux alentours serait plus bénéfique et mieux acceptée qu'une interdiction pure et simple.

Pour l'ensemble de ces éléments, je suis contre cette interdiction.

Très cordialement et à votre écoute pour de plus amples échanges.

Yvan Le Gall
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Par PARRAGA, Javier
Déposée le 12 septembre 2022 à 16h56
 
L'interdiction de tout prélèvement de fossiles dans les falaises jurassiques du Calvados est un catastrophe scientifique et patrimoniale. 
Les musées d'histoire naturelle de la région s'appuient fortement sur les associations naturelles et paléontologiques locales pour reconstituer nos collections. Ces associations sont nos yeux puisque, évidemment, nous ne pouvons pas vérifier quotidiennement l'apparition de fossiles après de fortes marées ou des tempêtes. Je pense qu'il est important de différencier le pillage et la destruction mécanique des falaises par l'homme du prélèvement non destructif de spécimens par des associations compétentes préparées pour cela. 
La valeur scientifique de ces falaises est telle qu'il est inacceptable qu'une interdiction totale de la collecte de fossiles soit une décision quoi même aberrante étant donné que de cette manière et seulement si, nous allons perdre un patrimoine immense et incalculable.

Javier Párraga, Responsable des collections de paléontologie et minéralogie du Muséum du Havre.
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Une contribution parmi d’autres sur les mêmes thèmes 🙂

 

 

Par Pénagé Emmanuel
Déposée le 13 septembre 2022 à 21h53 
A l'attention de Monsieur Pierre Guinot-Delery, Commissaire enquêteur dans le cadre du Projet de création de la réserve naturelle nationale des falaises jurassiques du Calvados

Monsieur ,
Le monde des ammonitologues français, aussi bien chercheurs qu'amateurs, est réduit et je le déplore. La paléontologie, à l'évidence, est une discipline négligée par la recherche en France.
Dans le cadre de l'éventuelle création de la Réserve Naturelle Nationale des falaises jurassiques du Calvados, je souhaite vous faire part des remarques suivantes.
Les faunes jurassiques du territoire concerné sont bien connues, mais je travaille en fait sur celles du Crétacé Inférieur du SE de la France et ce depuis plus de 35 ans. J'ai contribué a des publications scientifiques, dont certaines incluant des spécimens de mes récoltes personnelles. ajoutant d'ailleurs qu'à terme, mes collections sont destinées à des institutions publiques.
C'est donc en tant qu'amateur participant activement à la recherche que je permets de vous faire part de mes remarques sur ce projet.
Comme je l'ai toujours affirmé, je considère que la restriction d'accès aux amateurs aux gisements est une aberration : une part non négligeable du matériel étudié dans un cadre scientifique a été collectée par des amateurs 'non scientifiques', ni professionnels, donc, ni même pour des intérêts mercantiles et qui mettent leur matériel au service des chercheurs. Interdire l'accès à ces personnes, qui par ailleurs connaissent parfaitement le terrain, constitue évidemment un frein aux découvertes et aux développements sur la connaissance des organismes fossiles et leurs environnements.
D'une façon générale je suis personnellement défavorable au classement de sites visant à l'interdiction d'accès aux amateurs.
Ceci est absolument contre-productif.
Les instances peuvent toujours essayer de mettre en place un cadre de collaboration incluant des amateurs, ce n'est pas aussi simple : qui est admis et qui ne l'est pas ?
C'est un autre débat.
Quoi qu'il en soit, je l'observe depuis des années, il existe une volonté nationale de classement de sites naturels qui est, je suis le premier à l'admettre, indispensable mais qui montre également ces limites.
En l'occurrence, et n'importe quel géologue le dira, les falaises du Calvados, plus encore que les calcaires provençaux, sont voués à l'érosion et à la disparition. Il en est ainsi depuis des milliards d'années.
En conséquence, le matériel que n'est pas récolté est perdu et échappe à notre connaissance.
Emmanuel Pénagé
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Autre contribution intéressante :

 

 

 Par Boulliard Jean-Claude
 Déposée le 14 septembre 2022 à 10h12 
Vivons-nous dans une société de droit ou une société de passe-droit ?
Une société où les vrais amateurs « sérieux » désignés par une autorité auto-désignée seraient en droit de vouer aux gémonies « une nébuleuse mercantile » dont les contours sont bien flous.
La communauté scientifique est souvent minée par certains de ces membres qui veulent se réserver des « chasses gardées ». A ce titre les années 1980 ont connu une sorte de paroxysme qui s’est traduit par la constitution de réserves géologiques, au succès (touristique) parfois contestable et au succès (scientifique) souvent vague.
Cette période paroxystique s’est aujourd’hui atténuée avec le vieillissement des protagonistes et la fin de l’esprit soixante-huitard révolutionnariste.
Les esprits se sont apaisés. Il nous faut nous reconnaître tous comme des citoyens, oublier les clivages issus d’idéologies extrémistes. Et accepter quelques conclusions par toujours agréables :
- Il n’y a pas de bons amateurs appartenant à telles associations et les autres n’y appartenant pas. Il y a des amateurs c’est tout. Bons ou mauvais ce n’est pas à des justiciers autoproclamés d’en décider mais à la nation au travers de ses textes de lois.
- Le monde scientifique ne s’oppose pas, dans son immense majorité, aux amateurs et n’établit pas de frontière entre eux.
- Les amateurs dits sérieux, c’est-à-dire appartenant à certaines associations, ont des pratiques similaires aux autres.
- Les amateurs, bons ou pas, représentent l’essentiel de la population détentrice de la culture géologique. Culture de plus en plus importante avec les défis qui doivent être relevés ces prochaines décennies.
- L’immense majorité des minéraux et fossiles collectés n’intéressent plus les scientifiques. Les musées sont pleins à craquer et n’en veulent plus. C’est au monde sociétal des amateurs de les conserver.
Nous pourrions continuer ainsi sans fin, mais arrêtons-nous là en constatant que toute mesure de préservation extrémiste au bénéfice de barons locaux, est ressentie comme une atteinte à nos libertés, à notre pacte citoyen.
Je ne donnerais pas ci-après mes titres universitaires et académiques afin de ne pas afficher des « médailles » qui pourraient blesser certains de mes collègues justiciers. 
Veuillez agréer, M le préfet, mes humbles est respectueuses salutations.
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Je crois qu'il faut prendre conscience de quelques faits, même si dans ce que je lis, il y a plein de choses tout à fait entendables auxquelles je souscrit.

 

Pour les gens en face, la collection, y compris muséologique est un non sens, c'est l'appropriation d'un élément naturel que l'on sort de son contexte. Donc là, peu de choses à espérer

 

Le seul argument qui me parait être de nature à faire bouger les lignes est le fait que, en l'absence de collecte, l'information scientifique est définitivement perdue et que cette perte est plus importante que l'appropriation d'échantillons par des particuliers (qui de toutes manières auraient été perdus). Bien sur quand c'est des scientifiques de renom qui montent au créneau, ça ajoute du poids.

 

Je rejoint beaucoup Jean Claude Bouillard quant à la notion de bons et mauvais amateurs, j'ai trop vu (et je crois qu'en paléo c'est fréquent), des amateurs vertueux sur le papier faisant partie d'associations agrées être de redoutables pillards et je redoute dans nos domaines cet espèce d'entre soi qui verrait des associations vertueuses autorisées et d'autres personnes non, ça créerait des situations de passe droit extrêmement difficiles à justifier de manière neutre et objective (ne parlons pas de ceux qui s'inscriraient pour avoir accès aux sites..).

 

Serge

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ici nous avons des sites riches dont on peut trouver des guides complets pour fouiller en profondeur, à grand coup de pioche et autre outils, avec moults détails de localisation, à tel point qu'aujourd'hui ces livres sont interdit à la vente - mais depuis les sites ont été classés et donc pas d'outil, fini le business pro ! la grande différence c'est l'érosion, ici pas d'érosion donc les objets reste protégés (sauf outils), dans le cas Vache Noire (site que je ne connais pas et je ne suis pas collectionneur, juste curieux et possédant peu de place et zéro vitrine) il faut accepter un ramassage de l'érosion, par le grand public. Et protéger le reste, financer des fouilles etc. Si cet argument ne tient pas alors le grand public n'en aura pas d'autre et l'enquète sera peu fréquentée. Je propose un centre de collecte même, ça peut aider à sensibiliser et favoriser la récup d'une partie des collectes

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Par LECHEVALIER Sylvain
Déposée le 14 septembre 2022 à 14h19 
Membre du club géologique de Monnaie (Indre-et-Loire) depuis 3 ans et membre de la Société Astronomique de Touraine, je suis originaire de Normandie et je me souviens parfaitement de cette sortie scolaire à Port-en-Bessin il y a 35-40 ans, en cours primaire, pour nous sensibiliser à l'évolution de la vie en nous faisant découvrir et ramasser des fossiles détachés sur l'estran. Je ne suis pas devenu paléontologue mais nul doute que cette sortie est l'un des éléments qui ont développé mon attrait pour les sciences et m'ont dirigé vers des études d'ingénieur.
Cette sortie est restée marquée dans ma mémoire et, à l'âge adulte, je n'avais pas renoué avec cette discipline, pensant qu'il était désormais impossible de trouver des fossiles en France depuis l'accumulation de nombre d'interdictions visant à nous protéger de notre irresponsabilité. 
Jusqu'au jour où, à l'occasion d'une bourse aux fossiles, j'ai adhéré au club géologique de Monnaie. Ce club m'a permis de découvrir quelques sites, malheureusement de plus en plus rares, où il était encore possible de découvrir des fossiles, tous les autres sites étant interdits et leurs fossiles voués à une destruction irrémédiable. 
Cette recherche est pourtant l'étape initiale conduisant ensuite à l'identification des fossiles récoltés, la découverte des périodes géologiques correspondant et l'étude de la faune de cette période, jusqu'à la réalisation, pour ma part, du site internet de mon club pour tenter de vulgariser cette discipline et d'attirer de nouveaux membres, des jeunes en particulier. C'est par la pratique que j'ai été attiré par cette discipline scientifique et cela m'a poussé à m'y intéresser et à approfondir mes connaissances. Et mon fils de 8 ans commence à s'y intéresser également en accompagnant certaines sorties du club. N'autoriser que les universités ou certaines associations à ramasser n'amènera pas à la sensibilisation aux sciences puisque cela ne concernera qu'un public déjà impliqué dans cette discipline.

Je voudrais citer un autre exemple de ce que ces sorties peuvent apporter, une anecdote illustrant la prise de conscience du public pour cet aspect des sciences. Cela ne fait que 3 ans que je fais partie du club et les sorties ont été très limitées à cause de la crise sanitaire. Lors de notre sortie à Houlgate en avril dernier des promeneurs se sont étonnés de nous voir courbés sur la plage à ramasser des cailloux et nous ont interpellés pour nous demander ce que nous ramassions. Nous leur avons expliqué qu'il s'agissait de fossiles datant du Callovien, c'est-à-dire d'il y a environ 160 millions d'années. Ils nous ont corrigés, en nous disant que l'on avait dû commettre une erreur, milliers d'années, pas millions ! On leur a alors expliqué quelques repères sur l'échelle des temps géologiques et l'évolution de la vie. Ces personnes étaient ravies d'avoir appris quelque chose au cours de leur balade et étonnées de ces informations. On leur a fait cadeau de quelques fossiles trouvés, ils étaient heureux d'emporter avec eux des traces de vie datant de plusieurs millions d'années. Mais ce type d'échange, cette sensibilisation spontanée aux sciences, avec ce projet, c'est terminé !

S'il apparaît censé de protéger les falaises (que la mer continuera à attaquer et à réduire quelle que soit l'inventivité de nos technocrates qui ont oublié de faire des études scientifiques), ce que je trouve absurde dans ce projet d'interdiction de ramassage des fossiles détachés sur l'estran ce sont les conséquences que ce projet va induire, conséquences qui seront à l'opposé des objectifs souhaités :
- Destruction rapide des fossiles par érosion (la mer est encore moins disciplinée que les hommes et refusera de se plier à ce décret de protection du patrimoine géologique...) 
- Une discipline scientifique passionnante qui va devenir théorique à 100%, dont l'activité se réduira exclusivement à la visite de musées, et qui n'attirera plus personne 
- Un outil pédagogique qui va disparaître, qui permettait d'essayer d'attirer les enfants vers les sciences, de les sensibiliser à la paléontologie, à la théorie de l'évolution des espèces depuis l'apparition de la vie sur Terre
- Spéculation sur les fossiles comme cela a été le cas pour les météorites (dont le prix a grimpé en flèche depuis quelques années, qui sont maintenant devenues inabordables et qui font l'objet de trafics par les amateurs et collectionneurs), qui explique certainement la défense de ce "beau projet" par certains collectionneurs ou revendeurs qui vont voir le prix de leurs collections atteindre des sommets

Il est regrettable que tout devienne interdit en France, que tout soit verrouillé. L'éducation est en pleine régression, le niveau est tiré vers le bas sous prétexte d'élitisme, les sciences n'attirent plus, les sorties scolaires sont de plus en plus rares car trop compliquées à organiser, les clubs et associations scientifiques peinent à attirer les jeunes. 
Certains amateurs de fossiles en sont arrivés à prendre des risques, à braver les interdits et à faire n'importe quoi. Il serait beaucoup plus judicieux d'encadrer et de contrôler les activités comme cela se fait déjà dans d'autres domaines (la chasse par exemple).
Quant à l'argument des personnes favorables à ce projet pour le motif de préservation du patrimoine, cela est bien révélateur de la méconnaissance et du faible niveau scientifique en France, cette interdiction allant à l'encontre de l'intérêt général et de la préservation du patrimoine puisque ces fossiles seront détruits en quelques jours. Le contester montre bien l'ignorance de l'effet de l'érosion. L'ensemble des amateurs est dégoûté par l'évolution qui se met en place et, après discussion avec plusieurs amateurs, nombreux sont ceux qui disent maintenant qu'il est hors de question qu'ils fassent don de la moindre pièce à des musées, encore moins de leur collection. Pour ma part si ce projet est mis en place dans son intégralité cela remettra en question mon adhésion à un club, et hors de question de payer une cotisation à un club si ces interdictions devaient se généraliser, je passerais alors à d'autres activités que la géologie.

Projet mis en place ou non, la mer aura raison de ces falaises et d'autant plus rapidement que le réchauffement climatique, contre lequel personne ne prend de véritable mesure malgré l'inertie climatique et malgré l'alerte des scientifiques depuis des dizaines d'années, continuera à dilater les masses océaniques et maritimes.
Et pendant que l'on débat sur l'autorisation ou l'interdiction du ramassage de quelques fossiles déjà plus ou moins érodés, des quantités énormes sont détruites tous les jours par la mer sur ces côtes du Calvados et dans les carrières et chantiers de terrassement du Calvados et de l'Orne où des pièces magnifiques pourraient être trouvées et où tout accès est strictement interdit. Triste monde...
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Invité Gars de falaises
Le 13/09/2022 à 19:42, Théophraste a dit :
Par PARRAGA, Javier
Déposée le 12 septembre 2022 à 16h56
 
L'interdiction de tout prélèvement de fossiles dans les falaises jurassiques du Calvados est un catastrophe scientifique et patrimoniale. 
Les musées d'histoire naturelle de la région s'appuient fortement sur les associations naturelles et paléontologiques locales pour reconstituer nos collections. Ces associations sont nos yeux puisque, évidemment, nous ne pouvons pas vérifier quotidiennement l'apparition de fossiles après de fortes marées ou des tempêtes. Je pense qu'il est important de différencier le pillage et la destruction mécanique des falaises par l'homme du prélèvement non destructif de spécimens par des associations compétentes préparées pour cela. 
La valeur scientifique de ces falaises est telle qu'il est inacceptable qu'une interdiction totale de la collecte de fossiles soit une décision quoi même aberrante étant donné que de cette manière et seulement si, nous allons perdre un patrimoine immense et incalculable.

Javier Párraga, Responsable des collections de paléontologie et minéralogie du Muséum du Havre.

Bonjour,

Je vous rejoint totalement lorsque vous indiquez que la collecte de fossiles dans les falaises jurassiques du Calvados est une aberration, à la condition qu'il ne s'agisse que d'un ramassage et non d'une collecte avec outils dans le but de réaliser une récolte plus ou moins  massive destinée, dans un but mercantile, à revendre un maximum de spécimens en bourse.

Je trouve donc qu'il est contreproductif d'interdire le ramassage des fossiles sur l'estran des falaises des Vaches noires compte tenu des nombreux arguments déjà avancés sur ce sujet dans le cadre de ce forum:  notamment destruction des spécimens inexorablement soumis à l'érosion, absence d'impact sur l’écosystème et surtout à mes yeux, nécessité de susciter des vocations, voire une simple curiosité chez des jeunes de nature à développer un  intérêt  pour les choses qui nous entourent, que ce soit en matière de paléontologie ou autre. A cet égard, la récolte de fossiles lors d'une promenade et le questionnement qu'il entraîne me paraissent être un excellent "véhicule éducatif" pour reprendre une terminologie marquée "Éducation Nationale".

Je suis donc totalement et frontalement contre cette perspective d'interdiction de ramassage des fossiles, même si je peux soutenir la création d'une réserve naturelle dans d'autres domaines (préservation d' espèces ou de plantes fragiles ou rares telles que certaines stations d'orchidées sauvages etc.).

J'aurais néanmoins une question à votre adresse: j'ai visité il y a quelques temps au muséum du Havre une exposition temporaire consacrée aux fossiles du mésozoïque normand,  parmi laquelle était exposé le magnifique exemplaire de lépidotes quasi complet que j'ai déjà évoqué, au passage trouvé par un amateur. Il n'y avait qu'une seule salle à voir pour un prix de 5 euros, le reste du musée était réservé à d'autres "activités". Pourquoi une activité muséologique aussi réduite au regard de ce que possède le muséum (notamment les restes d'un stégosaure normand nommé lexovisaurus)?. Pourquoi appeler encore "muséum d’histoire naturelle" ce qui n'en est plus vraiment un tant le recul de la part des sciences de la terre dans les musées de province est important (il y a bien heureusement de brillantes exceptions)?.

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Une autre :

 

Anonyme
Déposée le 14 septembre 2022 à 16h02 

DREAL Normandie
Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Normandie
CNPN
Conseil national de la protection de la nature
CSRPN
Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Normandie
Préfecture du calvados, S/P de Bayeux et Lisieux
Force est de constater qu'une quantité non négligeable d'agents de l'état semble avoir étudié ce projet de création d'une réserve naturelle qui a pour but de préserver la tranquillité de la faune résidant dans ces différents lieux, la biodiversité et les sites minéralogiques et paléontologiques
En ce qui concerne la protection du patrimoine géologique, je suis surpris que pas un seul de ces agents ne sache que la mer racle sable et galets abrasifs sur le platier, conduisant à une destruction de ce patrimoine, la durée de vie des minéraux est de deux ou trois marées compte tenu de leur fragilité.
Pour les fossiles du Bajocien et du Bathonien, cela prend quelques mois, mais habitant dans cette région et parcourant les plages quotidiennement, je remarque que je n'ai jamais vu un de ces agents venir sauvegarder ce patrimoine lors des nombreux éboulements de falaises.
Ce sont bien les amateurs de minéralogie et paléontologie qui sauvent les spécimens livrés à la destruction marine.
Cela est totalement stupide d'en interdire la collecte et absolument improductif.
La paléontologie et la minéralogie vivent au travers des nombreux amateurs passionnés et non par quelques scientifiques autocentrés.
Si l'émulation de la découverte n'existe plus, ces sciences n'auront plus grand intérêt s'il n'y a plus de public pour les faire vivre.
Si l'on parle de gisements mondialement connus, c'est également au travers des échanges culturels prodigués par les amateurs lors par exemple de bourses minéralogiques internationales que ces notoriétés se sont faites.
En conclusion, il ne faut pas interdire la collecte des minéraux et fossiles si l'on veut réellement protéger ces patrimoines de la destruction et transmettre la passion de la minéralogie et de la paléontologie aux générations futures.
En ce qui concerne la préservation de la flore et la protection de la faune, ces services de l'état auraient peut-être pu y réfléchir avant de créer l'année dernière sur toute la longueur de la falaise (12 km environ) de Vierville à Grandcamp-Maisy une véloroute à 10 mètres par endroit du bord de la falaise, là où vivaient mouettes, goélands et faucons pèlerins, ces mêmes faucons, dérangés par cette route construite sur leurs terrains de chasse ont d'ailleurs définitivement quitté ce lieu de vie.
En ce qui concerne la protection de la biodiversité, ces mêmes agents pourraient venir constater le nombre d'insectes qui cherchent à traverser cette véloroute du bord de la falaise vers les champs et qui se retrouvent écrasés sur le revêtement.
Un premier projet en totale opposition avec l'idée de ce nouveau projet.
A quoi pensent donc ces agents de l'état qui prennent des décisions totalement antagonistes ?
En conclusion : un projet inepte, bâclé et improductif, à ne pas poursuivre.
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Autre contribution :

 

Par FISCHER Florence
Déposée le 14 septembre 2022 à 17h17 

Je suis tout à fait d’accord avec l’interdiction stricte de l’accés aux falaises, par contre je suis opposée à l’interdiction du ramassage des roches, minéraux et fossiles sur la plage et sur l’estran.

Les fossiles, roches et minéraux détachées des falaises par l’érosion naturelle et se retrouvant ainsi sur l’estran sont rapidement et irrémédiablement détruits par l’action des marées s’ils ne sont pas ramassés.

Laisser libre à tout un chacun l’accés et la collecte des objets géologiques permet d’en sauvegarder au moins une partie au bénéfice de la science, des musées, au bénéfice des plus jeunes et pour le plus grand plaisir des promeneurs, des amateurs, de tous ces gens qui sont des citoyens responsables.

En tant que professeur de SVT depuis plus de 30 ans, je souhaite pouvoir continuer à informer et former plutôt que d'’interdire.

Les collections de tous les grands musées, tel le Paléospace de Villers sur Mer, proviennent essentiellement de dons d’amateurs privés et j'en connais personnellement qui ont découvert des pièces qui ont fait l'objet de publications scientifiques. L'une des pièces a permis d'identifier et de répertorier une nouvelle espèce. C'est la mutualisation de toutes ces ressources, d'amateurs et de professionnels, qui permet de faire avancer les connaissances. 

En conséquence, je vous demande de supprimer du projet de création de réserve naturelle des falaises du Calvados toute tentative d’interdiction de glanage, ramassage, collecte des objets géologiques sur le domaine public maritime du Calvados.
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ALLAIN Ronan
Déposée le 12 septembre 2022 à 11h05

 

Paléontologue au Muséum National d’Histoire Naturelle et spécialiste des dinosaures, j’ai eu le privilège de pouvoir travailler pendant ma thèse sur les dinosaures du Jurassique de Normandie. Parmi le matériel à ma disposition, les premiers restes de dinosaures décrits scientifiquement par Georges Cuvier en 1800, ceux du dinosaure carnivore Streptospondylus altdorfensis, découvert aux Vaches noires, et qui appartenaient à une collection initialement constituée par l’Abbé Bachelet dans les années 1770. A cette collection historique est aussi venue s’ajouter celle de Félix de Roissy.


Ces collections patrimoniales que j'ai eu à gérer pendant plus de vingt ans ont le point commun d’avoir été récoltées suite au travail régulier et répétitif de prospection de paléontologues « amateurs ». Ce travail ne peut être actuellement mis en place par aucune équipe scientifique, faute de moyens humains et de proximité aux gisements. Ce sont donc ces mêmes amateurs qui continuent à récolter et, parfois, à céder leurs collections aux musées comme Le Paléospace de Villers-sur Mer, ou le MNHN (cf. Monvoisin et al. 2022. New data on the theropod diversity from the Middle to Late Jurassic of the Vaches Noires cliffs (Normandy, France). Geodiversitas, 44(12), 385-415). Empêcher la collecte de fossiles sur l’estran en face des Vaches Noires, n’aboutirait donc qu’à une perte sèche du point de vue scientifique et patrimonial. Sans fossiles plus de nouvelles connaissances scientifiques, ni d’accroissement des collections. Ces fossiles seraient par ailleurs irrémédiablement perdus, puisque non récoltés et érodés/emportés par la marée.


Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas d’un côté protéger les falaises des coups de marteaux de personnes peu scrupuleuses et peu respectueuses de ce site, et de l’autre préserver le patrimoine paléontologique en interdisant toute commercialisation des fossiles provenant des Vaches Noires, comme on le voit trop souvent encore. Quoiqu'il en soit le pragmatisme n'est pas du côté d'une interdiction de la collecte sur l'estran.

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Par Daniel GUENEAU
Déposée le 24 août 2022 à 11h31
 
Bonjour,
J’ai pris connaissance du projet de création de l’immense réserve des Falaises du Calvados.
Paléontologue amateur, je connais parfaitement la richesse de ces sites en fossiles.

Je suis également habitué, comme bon nombre de mes collègues paléontologues amateurs à travailler avec les scientifiques universitaires, et nous ne manquons pas de leur faire part de nos trouvailles intéressantes. Nous savons que nos spécimens « publiés » sont confiés aux collections universitaires, et cela ne nous gêne pas.

Cette réserve se propose d’interdire tout ramassage de fossile sur l’estran. C’est totalement ridicule. La mer y détruit les fossiles en quelques mois. C’est également totalement improductif pour la science qui a depuis toujours progressé avec l’apport des amateurs, aussi bien en paléontologie qu’en minéralogie.

De plus ces endroits de ramassage « facile » sont des lieux magiques pour l’initiation des jeunes à la paléontologie, et lieux de naissance de vocations. Comment intéresser des jeunes s’ils ne peuvent se poser de questions en ramassant un fossile.

Je ne suis pas contre les réserves qui protègent en évitant de « taper » en place, mais contre cette interdiction de ramassage de fossiles détachés ou dans de petits blocs détachés sur l’estran, qui sont voués à une destruction très rapide..

Je demande que cette interdiction de ramassage soit supprimée du projet.

D. Gueneau
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L'interdiction de ramassage des fossiles sur l'estran dans le cadre de la création de la réserve naturelle nationale des falaises jurassiques du Calvados me parait extrêmement contre-productif pour les raisons exposées ci-dessous :
 
- Les fossiles non collectés seront détruits par l'action des marées, ce qui paraît étrange pour un projet visant à la protection de notre patrimoine paléontologique.
 
- Cette interdiction conduira à une dégradation notable des relations entre paléontologues amateurs et paléontologues professionnels. Or une collaboration extrêmement fructueuse s'est mise en place au cours des années entre ces deux communautés, aidé en cela par le rôle de relais des musées de proximité tels que le Paléospace à Villers-sur-Mer. Les professionnels ne sont plus assez nombreux et n'ont plus les moyens nécessaires au suivi des sites paléontologiques sur le territoire national. Ce suivi est donc assuré en grande partie par des amateurs qui communiquent leurs découvertes aux professionnels, souvent par le biais de musées locaux. Les fossiles d'intérêt scientifiques sont ainsi donnés à des collections publiques et publié dans des revues nationales ou internationales. Les articles scientifiques ainsi produits sont de plus souvent cosignés par des amateurs et des professionnels, renforçant ainsi les liens entre les deux communautés (voir un exemple en pièce jointe). Au final l'interdiction de ramassage sur l'estran conduira donc :
a) à une baisse de la production scientifique;
b) à la fragilisation du rôle ô combien important des musées locaux dans les relations entre professionnels et amateurs;
c) à une baisse notable du nombre de fossiles récoltés et déposés dans des collections publiques.

 
- Enfin, l'interdiction de ramassage aura un impact négatif sur la sensibilisation du public à la protection de notre patrimoine scientifique. Encore étudiant en thèse, j'ai eu la chance de guider de nombreux groupes de touristes dans des excursions le long de l'estran des Vaches Noires. Ces excursions étaient l'occasion pour des personnes souvent peu familières avec les fossiles de découvrir leur premier fossile et de prendre conscience de leur valeur. De plus, ces visites étaient l'occasion de collecter de nombreux fossiles sous le contrôle d'un professionnel qui pouvait donc remarquer tout fossile d'importance scientifique et en assurer le don à une collection publique. Ces excursions sont également l'occasion de faire naître des vocations auprès d'un jeune public. L'interdiction de ramassage le long de l'estran rendra impossible l'organisation de telles activités et réduira drastiquement le lien entre le public et son patrimoine géologique, ce qui est à mon sens extrêmement regrettable.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que je recommande instamment que cette mesure soit totalement abandonnée dans le projet de création de la réserve naturelle nationale des falaises jurassiques du Calvados.

 
Gilles Cuny, Professeur de paléontologie à l'Université de Lyon.

asteracanthus-fossile-vaches-noires-calvados.pdf
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M. GENDRY Damien

à

DREAL Normandie Service Nature et Biodiversité 

 

Objet : Projet de création d’une réserve naturelle nationale sur les falaises jurassiques du Calvados.

 

Madame, Monsieur, J’ai pris connaissance du projet de réserve naturelle nationale (RNN) dont la consultation publique a lieu du 24 août au 16 septembre : https://www.normandie.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-creation-d-unereserve-naturelle-a4158.html .

 

Le projet de réserve peut se justifier pour améliorer la gestion et la valorisation du patrimoine géologique. J’adhère entièrement à la nécessité de protéger certains affleurements comme le stratotype et les falaises de roches dures (calcaires, grès) en zone littorale et le reste des typologies rocheuses dans les terres. MAIS, l’interdiction de collecter les fossiles soumis à l’érosion naturelle littorale dans les formations meubles (argiles, marnes, calcaires marneux) est incompréhensible. Ils seront détruits en quelques jours à quelques semaines dans tous les cas.

 

Le ramassage des fossiles sur l’estran est une pratique historique depuis plus de 200 ans qui contribue : - à la renommée nationale et internationale du site, - à l’attrait touristique de la côte,

- à la diffusion des sciences participatives,

- à une sensibilisation ludique aux sciences naturelle pour des jeunes générations qui ont besoin de se confronter au réel pour lutter contre les pseudosciences et idéologies,

- à l’émerveillement de la découverte,

- à l’émergence de vocations scientifiques et naturalistes,

- à des sauvetages de fossiles qui pourront être exploités scientifiquement,

- à la sécurité et à l’observation de l’évolution du site du fait de la vigilance des amateurs qui signalent les anomalies (failles, glissements, obus, cordages…).

 

Interdire la collecte des fossiles soumis à l’érosion naturelle dans les formations meubles revient à protéger leur destruction et empêcher de nouvelles découvertes scientifiques ! C’est contraire à la démarche d’une réserve naturelle et à la préservation du patrimoine géologique.

 

Je demande à ce que les réserves naturelles françaises littorales prennent en compte la nature lithologique et la détérioration des éléments contenus (minéraux, fossiles) dans leur gestion en permettant la collecte dans les coulées, blocs éboulés ainsi que sur les estrans soumis à l’érosion marine (matériel réduit au marteau-burin et prélèvements modérés).

 

Les lourdeurs administratives qui résulteront des demandes dérogatoires ne feront qu’accroître une recherche française déjà malmenée par le système des appels à projets, chronophages, et le manque de moyens accordés à la paléontologie. Le temps passé en prospection par les amateurs représente des milliers d’heures par an, c’est irremplaçable (aucune création de postes de spécialistes n’est prévue pour les compenser, seulement des postes de surveillance et verbalisation).

 

Egalement, de nombreux géologues emmènent leurs étudiants sur ces terrains classiques de la géologie française afin de les initier aux études de terrain (incluant la collecte de fossiles stratigraphiques) et nous, géologues, souhaitons que cela perdure. Cette activité, programmable quelques semaines seulement avant les excursions, est incompatible avec le délai prescrit par la loi et doit être revu à la baisse (1 mois serait plus approprié).

 

J’ai conscience que ce projet pilote en France mènera très probablement à l’interdiction de prélèvement sur tout le littoral français. C’est inacceptable pour plusieurs raisons :

- patrimoniales : une perte de patrimoine géologique et paléontologique qui sera détruit par l’érosion, une destruction des réseaux de collaborations entre musées/universités et amateurs, des collections qui ne parviendront plus aux musées et qui seront revendues,

- pédagogiques : la perte d’un merveilleux outil pédagogique d’une science naturelle participative, d’initiation libre à la géologie,

- scientifiques : moins de découvertes, moins de connaissances, moins de recherche ! - économiques : une perte d’attrait touristique des sites et donc économique pour les communes concernées et environnantes,

- culturelles et sociétales : un désintérêt du public pour une discipline impraticable. Une mise au rebut de la paléontologie qui quitte le champ de l’expérience sensible pour devenir une science « de musée ». Egalement, un risque de développement de l’illégalité, la spéculation et des comportements dangereux (récolte de nuit, à marée montante…),

 

Les dangers ou accidents mentionnés par les services de l’État comme les enlisements de personnes ou chutes/blessures en falaises sont anecdotiques et pas forcément liés à des chercheurs de fossiles. Les personnes qui grimpent en falaises, bravant les arrêtés municipaux, sont très souvent des touristes et non des chercheurs amateurs. Il serait bien difficile d’attribuer une quelconque détérioration des habitats à ces quelques passages...

 

Il est cependant logique de protéger les sites sur-fréquentés (ex : Etretat et le prélèvement de galets souvenirs). La notion de pillage souvent avancée est à appliquer avec précaution : le marteau-piqueur et la barre à mine sur estran à Sainte-Honorine-des-Pertes en font partie, le prélèvement d’huîtres fossiles présentes par millions aux Vaches Noires non. Je suis donc favorable à une gestion des activités autorisées par site (mini-plan de gestion pour chaque site).

 

Comme le collect’if qui s’est monté contre le projet de RNN, nous proposons que le projet de réserve intègre :

- Une tolérance aux ramassages éthiques sur le modèle du Code de conduite de l’Ouest du Dorset qui concerne aussi les couches Jurassiques (Jurassic Coast) : https://jurassiccoast.org/wp-content/uploads/2015/10/West-Dorset-Fossil-Collecting-Code-of-Conduct.pdf Traduction française: https://drive.google.com/file/d/1X-XTphL5HDG2Xu4zkSiqoMugdx_RTjnB/view? usp=sharing

- Des panneaux pédagogiques et rappels légaux pour sensibiliser le public.

- La mise en place d’un référent pour chaque site que les usagers puissent contacter pour signaler une découverte ou un danger.

 

Pour paraphraser le Collect’if, l’orientation pour « le maintien de l’intégrité du patrimoine géologique et paléontologique » de ce projet de réserve aura très probablement un effet inverse. Nous comprenons la nécessité de protéger les gisements et les falaises de la destruction et de l’oubli. Nous ne voyons pas comment l’interdiction de ramassage servira cette orientation. Le ramassage par les amateurs n’a jamais tari le stock de fossiles. Il a plutôt contribué aux collections des musées de paléontologie et à la recherche française. C’est en sauvant les fossiles de l’érosion qu’est né et qu’a grandi l’intérêt du public pour le patrimoine géologique et paléontologique de ces sites.

 

C’est également un formidable laboratoire pour susciter des vocations chez les jeunes et pour nos étudiants puisque les observations y sont faciles aussi bien pour la sédimentologie que pour la paléontologie, l’hydrogéologie (dynamique côtière, érosion…), etc.

 

Enfin, si le statut de réserve naturelle en France ne permet aucune évolution et prise en compte des présentes revendications, peut-être faut-il imaginer un statut nouveau.

 

Restant à votre disposition pour en discuter, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à ma considération distinguée.

 

M. GENDRY Damien

 Responsable des collections géologiques (Université Rennes 1), acteur du patrimoine géologique et membre de diverses sociétés savantes

 

Contribution n°20 (Web)

Par Gendry Damien
Déposée le 24 août 2022 à 20h18

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La collecte de fossiles est pour beaucoup un plaisir, pour un certain nombre d'entre nous une source d'étude et de nombreuses publications scientifiques en témoignent. Pour presque tous il s'agit d'une passion ancrée depuis l'enfance.
Les plus jeunes vont-ils être privés de la joie que procure la découverte d'un fossile et de l'enseignement qu'ils recevront des plus âgés sur son origine ?
Depuis des décennies le fruit des découvertes de ces passionnés enrichit les collections publiques des musées de France et d'ailleurs que fréquentent assidûment les étudiants et scientifiques pour leurs recherches.

Il est légitime de s'interroger sur la pertinence et l'objectivité d'une interdiction totale du ramassage des fossiles sur les plages. Personne n'utilise de pelleteuse sur l'estran ou de marteau-piqueur pour s'attaquer à la falaise alors que la mer effectue ce travail deux fois par jour le plus naturellement et depuis toujours. Il est étonnant que les "géologues experts" qui ont apporté leur contribution à la conception de ce projet absurde n'aient pas songé à proposer aussi l'interdiction des marées !
Ce projet en l'état est une ineptie car tous les fossiles extraits de leur roche par les éléments naturels sont voués à être irrémédiablement détruits par la mer s'ils ne sont pas collectés.

Alors que plus de vingt associations normandes actives s'intéressent exclusivement ou en partie à la géologie et à la paléontologie, une seule a été consultée et semble être partie prenante dans ce projet de réserve. Or, il est de notoriété publique que son président qui ne possède absolument aucune compétence dans le domaine de la paléontologie nourrit une aversion maladive pour les chercheurs de fossiles en général et par extension pour les paléontologues amateurs et professionnels.
Par contre, cette personne semble exceller dans l'art de la chasse aux subventions ; quelques recherches sur le web suffisent à s'en convaincre.
C'est acté, ramasser un fossile deviendra bientôt un délit passible d'une lourde amende, un triste sire n'a pas hésité même à qualifier les musées de receleurs.

Par conséquent nous nous opposons fermement à ce projet de réserve géologique en l'état et demandons une réunion en table ronde dans les meilleurs délais avec les représentants de toutes les associations concernées de la Région Normandie.
Cordialement.

Yves LEPAGE, président de Sciences et Géologie Normandes.

P.S. : Veuillez trouver ci-joint une pétition contre l'interdiction du ramassage de fossiles signée par 331 personnes

 

Contribution n°19 (Web)

Par Yves LEPAGE

Déposée le 24 août 2022 à 20h16

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Le plus grand destructeur de fossiles restera toujours la mer. Interdire la collecte raisonnée de fossiles, de minéraux en milieu côtier sur l'estran montre une méconnaissance totale des phénomènes d'érosion, surtout en présence de roches tendres. De telles interdictions, qui se multiplient, conduiront à la mort en France de la paléontologie, minéralogie : ces sciences de la terre nécessitent de plus une collaboration saine entre amateurs et professionnels (espèce rare), et une collecte raisonnée. De telles interdictions, en plus d'être liberticides, empêchent les vocations de germer, et entravent fortement l'étude de notre patrimoine géologique.
Philippe LORAND, ingénieur géologue
 
 Par LORAND Philippe
 Déposée le 24 août 2022 à 20h02
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Subject: Project to create a national nature reserve on the Jurassic cliffs of Calvados.

Dear Madam, Sir, I have read the project of a national nature reserve (RNN) whose public consultation takes place from August 24 to September 16: https://www.normandie.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-creation-d-une-reservenaturelle-a4158.html . The reserve project can be justified to improve the management and enhancement of the geological heritage. I fully agree with the need to protect certain outcrops such as the stratotype and cliffs of hard rocks (limestone, sandstone) in coastal areas and the rest of the rock typologies inland.

 

BUT, the ban on collecting fossils subject to natural coastal erosion in loose formations (clays, marls, marl limestones) is incomprehensible.

They will be destroyed in a few days to a few weeks in any case. The collection of fossils on the foreshore has been a historical practice for more than 200 years that contributes:

- to the national and international fame of the site,

- to the tourist attraction of the coast, - to the dissemination of participatory sciences, - to a playful awareness of natural sciences for young generations who are careful to confront reality to fight against pseudosciences and ideologies, - the wonder of the discovery, - the emergence of scientific and naturalistic vocations,

- the rescue of fossils that can be exploited scientifically - the safety and observation of the evolution of the site because of the vigilance of amateurs who report anomalies (faults, slips, shells, ropes ...).

Prohibiting the collection of fossils subject to natural erosion in meub formationsis tantamount to protecting their destruction and preventing new scientific discoveries! This is contrary to the approach of a nature reserve and the preservation of the geological heritage. I ask that the nature reserves administration takes account of the lithological nature and the deterioration of the elements contained (minerals, fossils) in their management by allowing collection in flows, bouldered blocks and on foreshores subject to marine erosion (material reduced to hammer-chisel and moderate sampling).

 

The administrative burdens that will result from the derogation requests will only increase French research already battered by the system of calls for projects, which are time-consuming, and the lack of resources attached to paleontology. The time spent in prospecting by amateurs represents thousands of hours a year, it is irreplaceable (no creation of specialist posts is planned to compensate for them, only monitoring and verbalization stations). Also, many geologists take their students to these classic fields of French geology in order to introduce them to field studies (including the collection of stratigraphic fossils) and we, geologists, hope that this will continue.

This activity, programmable only a few weeks before the excursions, is incompatible with the deadline prescribed by law and must be revised downwards (1 month would be more appropriate). I am aware that this pilot project in France will most likely lead to a ban on sampling on the entire French coast. This is unacceptable for several reasons:

- heritage: a loss of geological and paleontological heritage that will be destroyed by erosion, a destruction of networks ofcollaboration between museums/universities and amateurs, collections that will no longer reach museums and that will be resold,

- pedagogical: the loss of a wonderful educational tool of a participatory natural science, free initiation to geology,

- scientists: fewer discoveries, less knowledge, less research!

- economic: a loss of tourist attraction of the sites and therefore economic for the municipalities concerned and surrounding,

- cultural and societal: a lack of interest on the part of the public in an impracticable discipline. A discarding of paleontology that leaves the field of sensitive experience to become a "museum" science. There is also a risk of the development of illegality, speculation and dangerous behaviour (night harvesting, rising tide, etc.).

 

The dangers or accidents mentioned by the State services such as falls/injuries in cliffs are anecdotal and not necessarily related to fossil hunters. People who climb cliffs, defying municipal bylaws, are very often tourists and not amateur researchers. It would be very difficult to attribute any deterioration of habitats to these few past occurrences...

 

However, it makes sense to protect over-frequented sites (e.g. collection of souvenir pebbles). The notion of looting often advanced is to be applied with caution: the jackhammer and the mine bar on foreshore in SainteHonorine-des-Pertes are part of it, the taking of fossil oysters present by the millions to the Black Cows not. I am therefore in favour of managing the activities authorised by site (mini-management plan for each site).

 

Like the collective that opposed the RNN project, we propose that the reserve project include:

- A tolerance for ethical pick-ups on the model of the Code of Conduct of West Dorset which also concerns jurassic layers (Jurassic Coast): https://jurassiccoast.org/wp-content/uploads/2015/10/West-Dorset-FossilCollecting-Code-of-Conduct.pdf French translation: https://drive.google.com/file/d/1X-TphL5HDG2Xu4zkSiqoMugdx_RTjnB/view?usp=sharing

- Educational panels and legal reminders to raise public awareness.

- The establishment of areferent for each site that users can contact to report a discovery or a danger.

 

To paraphrase, the target for "maintaining the integrity of the geological and paleontological heritage" of this reserve project will most likely have the opposite effect. We understand the need to protect deposits and cliffs from destruction and oblivion. We do not see how the ban on pick-up will serve this direction. The collection by amateurs has never dried up the stock of fossils. Instead, this has contributed to the collections of paleontology museums and French research. It is by saving fossils from erosion that public interest in the geological and paleontological heritage of these sites was born and grew. It is also a great laboratory to encourage vocations in young people and for our students since observations are easy for sedimentology as well as for paleontology,hydrogeology (coastal dynamics, erosion ...), etc.

Finally, if the status of nature reserve in France does not allow any evolution and taking into account the present claims, perhaps it is necessary to devise a new status.

Yours sincerely Dr Carole Burrow Honorary Research Fellow Queensland Museum Brisbane Australia

 

 

Contribution n°25 (Web)

Par Carole
Déposée le 25 août 2022 à 02h13

 
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En tant que professeur de SVT et ancien étudiant en Paléontologie, je suis tout à fait pour la création d'une réserve au niveau des falaises des vaches noires dans le Calvados. C'est un site que j'ai fréquenté de nombreuses fois au cours de mes études. J'ai aussi eu la chance de pouvoir y emmener des élèves qui en sont pour la plupart revenus émerveillés.
La réserve permettrait donc de pouvoir préserver de façon plus pérenne le site.
Par contre, je ne comprends pas (et m'oppose) à l'interdiction de ramassage des fossiles sur l'estran. Comment expliquer cette volonté ? Les fossiles libérés par l'érosion naturelle ne feraient que disparaître alors qu'ils pourraient marquer le début d'une petite collection pour de nouveaux futurs paléontologues amateurs.

 

Contribution n°91 (Web)

Par SAULNIER Harold
 éposée le 26 août 2022 à 12h55

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