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Bourse minéraux Sainte Marie aux Mines 2024, avec fossiles et gemmes.
Bourse minéraux et fossiles de Sainte Marie aux Mines (Alsace) - 26>30 juin 2024

Aupetit

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Tout ce qui a été posté par Aupetit

  1. 1. Je suis habitant de Port-en-Bessin depuis 2006, j’habite une maison dont je suis propriétaire au 6 rue de la Croix, donc sur le versant de la falaise occidentale surplombant le quai Letourneur. Je pratique la course à pied, la baignade, la pêche, le vélo, le parapente et je promène mon chien sur les falaises environnantes. Je suis enseignant en exercice. 2. J’estime que ce projet est insuffisamment motivé, disproportionné, redondant par rapport aux nombreuses interdictions existantes, auxquelles il ne va faire qu’ajouter, empoisonnant la vie des citoyens qui chaque mois se voient infantilisés par de nouveaux règlements produits par une technocratie toujours plus avide de produire du règlement et de l’interdiction. Depuis que j’habite ici, chaque année, je vois se restreindre mon périmètre de liberté de mouvement. Les services municipaux, départementaux, régionaux, préfectoraux, et maritimes rivalisent d’inventivité pour pondre de nouvelles interdictions et poser de nouvelles barrières. Je me demande dans quelle mesure ces atteintes à la liberté de circuler, quand elles atteignent de telles proportions et qu’elles ne sont motivées que par des présomptions plus ou moins scientifiques, sont conformes à l’article 13 du préambule de notre constitution. Avec ce projet de réserve géologique, ces interdictions vont redoubler. 3. Ce projet représente de grands frais pour la collectivité. Il faut payer des cabinets d’étude, des fonctionnaires qui rédigent, de nouveaux agents en charge de faire appliquer. Or rien de tout cela n’est chiffré ! Le chapitre « Les incidences socio-économiques du projet de réserve naturelle » ne contient aucun article relatif au coût de création et de fonctionnement de ladite réserve, qui a pourtant bien une « incidence économique » sur les finances publiques. Il est donc étonnant, en ces temps de « sobriété » programmée, que le projet d’enquête ne contienne aucun budget prévisionnel ni aucune analyse des coûts qu’occasionnera la réserve au contribuable (et qu’elle occasionne déjà). Il me semble que toute collectivité publique doit se soumettre à cet exercice avant tout projet : au nom de quoi le préfet et le comité d’étude s’en sont-ils dispensés, alors que tous les sites gouvernementaux de méthodologie pour les collectivités territoriales préconisent un chiffrage prévisionnel ? L’enquête publique porte donc sur un dossier incomplet, non réglementaire. Je pense en particulier aux articles 14 et 15 de la déclaration de 1789 : Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. 4. Je note par ailleurs la drôle de conception de l’enquête publique par un préfet qui, dans la rédaction de l’article 9 de l’avis d’enquête, fait passer la charrue de l’administration avant les bœufs des propriétaires : en effet dire que « à défaut d’accord de l’ensemble des propriétaires concernés, le classement est prononcé en Conseil d’État », c’est bien affirmer que le classement est en fait déjà décidé, puisque l’éventualité de le retirer en cas de désaccord n’est même pas évoquée. On voit bien encore une fois s’exprimer la centralisation et la verticalité des pratiques administratives : les consultations ne sont que de pure forme, la décision est déjà prise en amont. 5. Le principal ennemi des falaises du Bessin, c’est la mer, que des dizaines de milliers de fonctionnaires et des tonnes de réglementation ne parviendront jamais à freiner dans ses énormes mouvements de destruction. Depuis que j’habite ici, j’ai vu s’effondrer des pans entiers de falaises, partir au flot des milliers de ces fossiles qu’il s’agirait de protéger des activités humaines. D’ailleurs, les règlements existent déjà depuis le 19ème siècle (lire Bouvard et Pécuchet de Flaubert) interdisant la collecte de fossiles (on les retrouve à l’art. 411 du Code de l’environnement et décrets d’application), ainsi que la beaucoup d’activités que la réserve se propose d’interdire. Ce projet ne fait donc que rajouter des couches au mille-feuilles réglementaire, dont beaucoup de textes ne sont déjà pas appliqués. La France croule sous les règlements. Ainsi, je cours à peu près tous les jours sur les falaises ou au pied des falaises environnant Port-en-Bessin. Je vois de temps en temps des promeneurs occupés à recueillir des fossiles, je n’ai jamais vu un agent venir leur signifier leur infraction. Personnellement je m’en réjouis tant que le prélèvement reste modeste puisque de toutes façons ces fossiles de surface seront emportés par la mer, mais cela montre bien que pour appliquer toutes les interdictions que recèle ce projet de réserve pharaonique, il faudrait embaucher des dizaines ou des centaines d’agents, qui bien entendu ne se déplaceront pas en vélo ou à pied, mais contribueront à la pollution routière et au dérangement de la faune en arpentant le territoire à la recherche de contrevenants. 6. Le projet fait plusieurs milliers de pages. Il est impossible à étudier sérieusement par le public. Il est donc réservé à l’élite qui le conçoit. Certes, il y a bien des encadrés de synthèse, mais ceux-ci sont parfois mensongers, rhétoriques, cherchant seulement à emporter l’adhésion d’un lecteur perdu dans la technicité des documents proposés (de niveau bac +8, je confesse ne pas comprendre de nombreux textes de ce dossier). Ainsi quand je lis p. 38/53 du résumé du projet que « le vol libre pourra continuer à être pratiqué dans le même contexte réglementaire qu’actuellement », c’est faux.Nos représentants des clubs de parapente de la région ont cru en la bonne foi de cette déclaration, ils n’ont pas regardé le texte du décret. Je vois en effet à l’article 20 du projet de « décret portant création » que sont interdits aux aéronefs non motorisés, du 15 février au 15 août, le vol stationnaire sur la zone du Bessin occidental, ainsi que le survol à une hauteur inférieure à 300 mètres au-dessus de la ligne de crêtes allant de la Pointe du Hoc à St-Pierre-du-Mont. Il reste à définir la notion de « vol stationnaire » appliqué à un parapente qui effectivement, lorsque le vent est fort, peut faire du vol quasi stationnaire par rapport au sol, mais je me demande si le rédacteur n’a pas repris ce terme aux activités motorisées (drones, hélicoptères). Quoi qu’il en soit, le projet interdit de fait de voler aux parapentes et aux ailes deltas la moitié de l’année, puisqu’ils évoluent précisément entre 0 et 300 mètres au-dessus de la falaise. J’ajoute que cette interdiction, portant sur la partie de la commune de Cricqueville, fait tousser. À la suite de grands travaux sur la falaise à coups de pelleteuses et de bulldozers, le département a en effet transformé en autoroute à vélos électriques l’ancien chemin que seuls prenaient les promeneurs à pied et quelques vététistes. Cette « véloroute » en dur disgracieuse, longeant la falaise jusqu’à en toucher l’arête, s’agrémente de parkings pour les voitures tout du long. On va donc s’attaquer aux « faibles », les quelques parapentistes qui profitent des rares conditions favorables pour voler à ces endroits (une à deux fois par mois, par conditions aérologiques très spéciales). Ils serviront de bouc émissaire aux « forts » qui continuent de polluer le bord des falaises et de déranger la faune avec des machines coûteuses en énergie, apportées le plus souvent sur un porte-vélos à l’arrière d’une voiture ou d’un camping car bruyants ! Notons en outre que c’est par centaines de milliers chaque année que viennent se promener les visiteurs motorisés sur cette commune de Cricqueville, pour visiter l’un des monuments les plus fréquentés de Normandie, la pointe du Hoc. À qui fera-t-on croire qu’une poignée de parapentistes menace un site pollué par tant de fréquentation ? 7. Pour rester sur cette question du vol, j’ai recherché attentivement les motivations de l’interdiction et ne les ai pas trouvées. J’ai bien vu en p. 130/293 et suivantes un inventaire de la faune aviaire observées sur les falaises, j’ai bien noté p. 136/ 293 le résumé des « enjeux majeurs relatifs à la faune » du Bessin occidental, mais je n’ai pas trouvé d’étude d’impact du vol non motorisé sur ladite faune. Pour être pilote moi-même, je constate que la cohabitation avec les oiseaux ne pose pas de problème particulier, au contraire. Ceux-ci, curieux, se plaisent souvent à venir voler de conserve. Il faudrait donc prouver que le vol des parapentes porte gêne aux oiseaux, et non les centaines de milliers de visiteurs des falaises. 8. Ce dernier point ne concerne évidemment pas que le vol, mais tous les « enjeux » dont le dossier fait la liste. Certes personne n’a envie de perdre les richesse naturelles du Bessin dont les scientifiques ont su faire le précieux inventaire, mais les principales menaces tiennent à l’érosion maritime, à l’urbanisation et à la concentration touristique, contre lesquels le projet ne peut ou ne fait rien. On « mite » ainsi sur 40 km les 100 km de côte de Grandcamp à Villerville afin de ne pas créer de conflit avec des forces économiques majeures – à tort ou à raison. L’ambition évoque le fameux « barrage contre le Pacifique » de la regrettée Marguerite Duras. 9. « Enjeu » n’est pas « menace » ni « risque ». Avant de prononcer des mesures d’interdiction visant telle ou telle sous-catégorie peu revendicative par nature de la population tout en ne s’attaquant pas aux plus gros prédateurs, il faudrait des études précises d’impact, et pas seulement des inventaires d’enjeux, comme le rapport le propose. On retombe sur le phénomène que je décris en 2 de « mesures présomptives ». On demande à des scientifiques de faire la liste des richesses naturelles du secteur, on décrète qu’elles sont en danger et donc qu’il faut en réglementer l’accès. De plus, on décrète que la menace vient d’une partie désignée de la population, mais il faudrait à tout le moins le prouver par une étude d’impact. 10. Dans le même ordre d’idée, je lis dans cette même page 38/53 que « la randonnée pédestre ne subira « pas d’incidence dans la mesure où elle intervient sur des chemins dédiés à cette fin ». Cela relève évidemment de la publicité mensongère destinée à endormir les publics consultés. D’abord il n’y a pas partout de « chemins dédiés » à la randonnée pédestre sur les 38 km de réserve. Est-ce à dire que les randonnées doivent s’interrompre quand le chemin s’arrête ? De plus que signifie la contrainte de devoir rester sur un chemin quand un des plaisirs de la randonnée consiste précisément à s’écarter du sentier battu où circulent piétons et vélos (parfois à grande vitesse) pour un pique-nique ou un goûter avec les enfants ? 11. Enfin (car le temps me manque pour une analyse systématique), je suis indigné par l’article 5-3 du projet de décret interdisant, sur 38 km de côte, falaise et estran compris, la promenade des chiens non tenus en laisse. Peut-être a-t-il échappé aux spécialistes de la faune sauvage qui ont conseillé les autorités qu’un chien, pour animal domestique qu’il soit, a néanmoins besoin de courir librement au moins une fois par jour, ce qu’il ne peut faire en laisse – à moins d’avoir un propriétaire athlète, et encore, cela dépend des races de chiens. Là encore, je promène tous les jours mon animal domestique sur les falaises et sur l’estran environnant Port. J’y croise de nombreux retraités qui n’ont pas les moyens physiques de courir avec leur chien ! La mesure est donc discriminatoire non seulement vis-à-vis des propriétaires d’animaux, mais également entre les propriétaires en état physique de courir et ceux qui ne le sont pas. Elle est également contraire à l’article 5 de la déclaration des droits de l’animal prescrivant que « l’élevage et l’utilisation de l’animal doivent respecter la physiologie et le comportement propres à l’espèce ». On peut admettre des interdictions localisées, la mesure est ici disproportionnée. 12. En conclusion, je considère que cette enquête publique n’a pas été conduite honnêtement, en présentant avec sincérité l’incidence réelle de la création de la réserve sur la vie des habitants du littoral et de ses visiteurs. Elle ne chiffre pas les coûts qu’elle occasionne aux finances publiques. Elle se propose des mesures d’interdiction disproportionnées quant aux menaces effectives pesant sur la zone concernée, dont aucune n’est avérée par une quelconque étude d’impact. Je m’opposerai par tous les moyens légaux possibles à un projet technocratique démesuré, décidé d’en haut, portant atteinte grave à de nombreuses libertés civiles. J’appelle tous ses concepteurs à revenir à une attitude sinon rationnelle du moins raisonnable, consistant à évaluer avec les citoyens les risques réels qu’ils font peser sur l’environnement naturel, et à envisager avec eux des mesures de protection consenties, le cas échéant. Je pensais, en écoutant les dirigeants politiques de notre pays, que le temps des mesures autoritaires imposées d’en haut était révolu. Je constate avec effroi qu’il n’en est rien. L’administration est décidément indécrottable dans son appétit de domination. Fait à Port-en-Bessin le 12 septembre 2022
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