En guise d'étrennes pour cette nouvelle année, je vous offre ce petit texte dans lequel vous vous reconnaitrez peut-être... JE RAJOUTE QUE C 'EST A PRENDRE AU 2EME DEGRE
L’IDIOSYNCRASIE DU FOSSILEUX
Du premier abord, rien ne le distingue du randonneur du dimanche.
Un sac à dos, de bonnes chaussures, un solide pantalon… même en été, curieux. La carte qu’il tient dans la main est curieuse aussi, constituée de tâches de couleurs, elle ne sort pas des ateliers IGN. Et à y regarder de plus près, les chaussures sont plus de sécurité que de marche…
Bizarrement, ce promeneur n’a aucun intérêt pour le splendide paysage. Seule l’intéresse la paroi qui borde le chemin.
Les yeux rivés à la falaise, il scrute, l’œil en mode scanner. Il étudie le moindre renflement, la moindre brisure, la plus petite forme rompant la monotonie du calcaire.
D’un coup son corps se raidit, son visage se tend. Fébrile, de son sac à dos il sort burin et massette. Pendant de longues minutes il étudie le caillou, ne pas frapper n’importe où, se servir des failles naturelles, prendre de la marge. Surtout ne pas abîmer la pièce !
L’habitude et la chance font le reste.
Dégoulinant de sueur, une épaule douloureuse, un large sourire éclaire pourtant son visage. L’ammonite est sortie sans dommage. « Ah qu’elle est belle ! » pense-t-il.
Mais souvent on peut l’entendre jurer « Putain ! Fait chier ! », l’objet de sa convoitise s’est brisé sans même sortir de la matrice qui l’a créée.
Il reprend alors sa route, quelques mètres seulement, et recommence encore et encore.
L’individu est souvent seul. L’unique partage de ses « trésors », c’est chez lui, dans ses vitrines devant lesquelles il explique longuement à ses amis ébahis ou lassés comment il l’a EU celle-là.
Quand, par hasard, il est accompagné d’un corélégionnaire, une compétition sourde s’insinue dans la belle amitié qu’il pensait éternelle. Il s’efforce de s’extasier sur la trouvaille de l’autre mais une noire jalousie lui pince le cœur mettant en péril les futures sorties ensemble.
A l’instar du ramasseur de champignons, il ne dévoile pas SES coins. Il reste évasif, laissant filtrer un minimum d’informations quant il n’en donne pas carrément de fausses.
Peu exigeant, pour les prochaines vacances, il a plus besoin de sa connexion Internet que d’une nouvelle valise. Il passe de longues heures à décrypter les cartes Info-Terre de son lieu de villégiature, 3 minutes et demi étant consacré à la préparation de son bagage.
Vous pourrez le reconnaître facilement au bord d’une plage normande. Il est le seul à gratouiller au pied de la falaise, ignorant le panneau rouge vif « DANGER - ACCES INTERDIT SOUS LA FALAISE».
De retour chez lui, il n’aura de cesse de préparer des trésors. Son outillage est impressionnant mais il lui manque toujours un outil, une machine ou tout autre appareillage permettant de mettre en valeur l’objet de sa passion.
Il les trie, les expose, en change l’ordre, en donne parfois, se gardant les plus beaux, forcement.
Une interrogation ? Un doute ? Il écume les forums spécialisés, ceux-ci ayant judicieusement remplacé une bibliothèque d’ouvrages abscons (de toute façon il n’y trouve jamais l’info qu’il cherche, se persuade-t-il se donnant ainsi bonne conscience).
Vous le rencontrerez dans les bourses et les salons qu’il écume, cherchant LA pièce qui lui manque ou se laissant aller au coup de cœur. Discutant sans fin de son origine, négociant le prix, il repart souvent déçu et parfois comblé, délester alors de quelques centaines d’euros. Plus tard, les doutes l’assaillerons « Ne l’ai-je pas payer trop cher ?... ».
Vous l’avez reconnu, quelque part, il est vous, il est moi. Le trait est forcé bien sûr mais que celui qui ne s'y reconnaît pas un peu me jette la première pierre !
Catherine Gautier – Janvier 2017