JC Carrière, Axel Kahn... Les athées perdent deux porte-parole de valeur.
CHEMINS SPIRITUELS D’UN INCROYANT
Mon enfance a été très pieuse. Louveteau, scout de France, enfant de chœur, j’ai durant des années passé avec mon frère Olivier mes vacances à la garde de la sœur d’un prêtre défunt à qui elle servait de gouvernante. Elle assistait chaque matin à la messe et lisait pendant la journée le bréviaire de son frère défunt. Même ma confrontation répétée avec la pédophilie homosexuelle d’un chef scout et d’un prêtre ne m’a pas détourné de la foi : j’ai écarté les importuns et poursuivi impavide mon chemin. L’idée de la prêtrise m’a même effleuré. En revanche, il est probablement faux que la cause en ait été de devoir me faire appeler l’Abbé Kahn avant de devenir Monseigneur. J’ai très tôt manifesté une certaine ambition ! Pensionnaire d’un collège jésuite j’ai à quinze ans perdu la foi, rapidement, complètement, définitivement. En chemin, j’en raconte les circonstances dans mon prochain livre éponyme (Chemins, Stock, 3-4 octobre 20118). Je me dis depuis agnostique, qualifiant mon agnosticisme “d’airain”. Le choix de ce mot est étymologiquement inadapté : l’agnostique est, stricto sensu, celui qui n’accorde pas foi à la gnose, pas l’incroyant. Cependant, le terme d’athée -a privatif theos), plus exact, est utilisé par les adversaires non seulement de leur propre foi mais aussi de celle des autres. Or, si je ne crois moi-même plus, plus du tout, la foi d’autrui ne me pose aucun problème, elle appartient à un domaine privé dans lequel je m’interdis de m’immiscer. Parfois même, la lumière émise par les yeux de croyants sincères m’éblouit. Peut-être cela explique-t-il ma disponibilité à la poursuite du dialogue avec des religieux, voire ma participation à des événements où ils dialoguent avec des “gentils”. Cependant – je n’en suis pas fier, je n’en peux mais – je ne partage en rien leurs croyances. D’ailleurs, je ne crois en rien. Je suis le cas échéant convaincu mais il faut alors me fournir les éléments rationnels susceptibles d’emporter ma conviction, et ce n’est pas aisé. Sinon, ma position est celle d’un agnostique matérialiste de culture catholique.
Ma sensibilité exquise à la beauté des chemins, celle de la nature et des œuvres humaines, ma fascination par les églises et autres lieux ou objets de culte, amène mes lecteurs ou les auditeurs de mes conférences à m’interroger souvent sur mon rapport à la spiritualité. Mais alors, “Et Dieu, dans tous cela ?” J’ai parfois du mal à les convaincre que j’ai totalement cessé d’en faire l’hypothèse. J’explique dans “Chemins” ma conception d’un esprit rayonnant mais immanent, d’un esprit humain qui magnifie ce qu’il embrasse. Mon émerveillement pour l’énergie et le génie que, motivé par leur foi, il a su impulser aux sculpteurs et bâtisseurs des chapelles, abbayes et cathédrales comme, ailleurs, des temples et des mosquées, démultiplie sans doute mon émotion esthétique. Cela, depuis mon plus jeune âge et maintenant encore avec la même impétuosité. J’en apporte quelques illustrations tirées de mes escapades de cet été en Berry, Limousin et dans les côtes d’Armor.
Certes, les rayons lumineux éclatants qui émanent des vitraux d’une église ne sont que le reflet d’un phénomène optique et non la manifestation de l’esprit transcendant. Pourtant, saisissant !
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Axel Kahn, le vingt-huit août 2018