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Que vont devenir la centaine de fossiles saisis par les douanes et remis au laboratoire de paléontologie de Poitiers ?
Que vont devenir la centaine de fossiles saisis par les douanes et remis au laboratoire de paléontologie de Poitiers ?
Gildas Merceron, directeur du laboratoire Palevoprim, devant des fossiles et ossements découverts par la brigade des douanes de Poitiers.
Par Édouard DANIEL
Publié le 09/11/2025 à 16:00
mis à jour le 09/11/2025 à 21:19
Le laboratoire Palevoprim a reçu, le 16 octobre 2025, une centaine de fossiles, notamment de mosasaures, saisis par les douanes de Poitiers. Si leur valeur scientifique s’avère limitée, ces spécimens serviront à des fins pédagogiques.
Les vitrines de la salle de collections de Palevoprim sont remplies de fossiles et d’ossements d’animaux datant de plusieurs millions d’années. Et depuis peu, des dents, mâchoires et vertèbres sont exhibées sur la table centrale. La centaine d’éléments proviennent en grande partie de mosasaures. « Ce ne sont pas des dinosaures. Ce sont des reptiles, des lézards de grande taille adaptés à la vie marine, qui vivaient durant le Crétacé (1). Ils étaient de très grands prédateurs », décrit Gildas Merceron, directeur du laboratoire de paléontologie de l’université de Poitiers et du CNRS.
L’histoire de ces fossiles, remis le 16 octobre 2025 par la brigade des douanes de Poitiers, n’est pas banale. Elle remonte au 1er novembre 2023, lors d’un contrôle d’une voiture sur l’aire de Jaunay-Clan sur l’autoroute A10. À l’intérieur, des agents découvrent des cartons et box contenant des dents, des crânes et même des parties de squelette. Deux hommes, originaires du Maroc et d’Espagne, transitaient cette marchandise jusqu’en Allemagne. En l’absence de justificatifs attestant de la légalité du transport, les pièces sont saisies avant d’être confiées au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
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« Des objets qui ont perdu de leur valeur scientifique »
L’établissement expertise les spécimens, confirme leur authenticité, mais ne souhaite pas les conserver. « Ce sont des objets qui ont perdu de leur valeur scientifique », constate Gildas Merceron. Les chercheurs n’ont en effet que peu d’informations sur l’origine. « On sait qu’ils viennent du Maroc, sans savoir où précisément. Or, on a besoin de connaître le lieu de la découverte pour étudier le mode de vie des espèces, le sédiment… Il faut pouvoir aussi dater les espèces. Et on ne peut pas savoir s’ils ont 95 ou 72 millions d’années. »
Des ossements découverts par les services des douanes à Poitiers, récupérés par le laboratoire Palevoprim de Poitiers, le 7 novembre 2025.
© (Photo NR-CP, Mathieu Herduin)
Malgré tout, son unité de recherche n’a pas hésité longtemps lorsque les douaniers les ont sollicités pour donner cette collection d’une centaine d’éléments. « Certes, nous ne travaillons pas sur ces animaux ni sur cette période. Nos recherches sont en lien avec l’évolution du primate et de l’homme. Néanmoins, ces fossiles ont une valeur pédagogique », explique le directeur de Palevoprim.
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Formation aux techniques et à la préparation
Les étudiants en master de paléontologie de l’université de Poitiers, voire en licence, pourront les étudier dès la rentrée 2026, après un inventaire complet. « Ces fossiles serviront de support dans les cours et à la formation de nouvelles techniques. Sur certains éléments, ils pourront par exemple utiliser un microscan, qui reproduira un modèle en 3D de structures internes de la mâchoire ou des dents : l’émail, la dentine, la pulpe, la racine… », détaille Gildas Merceron.
« Nous avons également besoin de former nos étudiants à la préparation des fossiles, notamment pour réaliser des moulages. Certains souhaitent devenir préparateurs », ajoute-t-il. Certains spécimens, encore conservés dans le sédiment (plaquettes de poisson, petits reptiles…), seront d’ailleurs spécialement utilisés à ces fins.
(1) Une période géologique qui s’étend de -143 à -66 millions d’années.
Des saisies d’ampleur à Caen et Menton
La saisie de fossiles de mosasaures par la brigade des douanes de Poitiers s’inscrit dans « une économie de trafic de biens culturels et paléontologiques », indique Gildas Merceron, directeur du laboratoire de paléontologie de Poitiers, Palevoprim. Et ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les douaniers interviennent dans le cadre de ce marché illégal, en pleine expansion. Deux autres saisies majeures ont d’ailleurs été réalisées en 2025 en France.
Le 27 janvier, des agents de Menton ont ainsi découvert neuf dents de dinosaures dans des colis transportés par un camion espagnol, lors d’un contrôle sur l’A8. « Ces fossiles datent de 70 millions d’années, selon un paléontologue mentonnais. Ils circulaient en direction de l’Italie », détaille le service des douanes, dans un communiqué de presse envoyé le 23 octobre.
Plus récemment, les agents du pôle contrôle du bureau de douane de Caen ont intercepté, le 6 août, des ossements authentiques de tricératops, en provenance des États-Unis et d’une valeur de 112.570 €.
Je viens de le faire.