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Quelques-uns des principaux sujets de Géoforum.

Bourse minéraux Sainte Marie aux Mines 2024, avec fossiles et gemmes.
Bourse minéraux et fossiles de Sainte Marie aux Mines (Alsace) - 26>30 juin 2024

A Jojo38, Kayou, Charo, Jnoun11... et autres poètes


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Voilà, il y a un peu de vous dans cette histoire...

Pêle-mêle, j'ai casé :

- le vol

- le chien qui sent le danger

- le mot des voleurs

- le séisme

- la poche à minéraux

- le grand-père

- la calcite

- la prionocycloceras

 

Les noms aussi... et toutes mes excuses à Kayou pour l'avoir un tantinet métamorphosé ;)

 

Ce fut un sympathique exercice ! J'espère que vous aurez autant de plaisir à le lire que j'en ai eu à l'écrire :content:

 

Amicalement, Cath

 

 

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LA SUBLIME

 

 

Parfois le chien lève la tête, se gratte une oreille ou se lèche une patte. Il peut entendre des bruits sourds venant du trou dans lequel son maître a disparu. Tout va bien, « il » est toujours là. Le chien peut continuer à somnoler.

 

Au milieu de l’étroit boyau de la mine depuis longtemps oubliée, l’homme frappe sur le burin. Des coups cadencés et précis.  Depuis une semaine, chaque jour, au petit matin, il frappe encore et encore pour LA dégager.

Il l’a trouvé par hasard. En cherchant un nouveau coin à morilles, il est tombé sur cette entrée envahie par les broussailles. C’est son chien et un léger souffle d’air qui l’ont alerté. Il y est revenu le lendemain, muni de ses outils et d’une frontale. ELLE était là depuis des millions d’années, ELLE l’attendait, intacte, énorme, une sublime beauté enroulée à l’ocre scintillant.

 

Alors, l’homme frappe encore et encore. Il s’est donné vingt centimètres de marge pour ne pas l’abîmer, ou pire, la casser. Sa hantise est qu’un coup mal ajusté ne la fasse se détacher et qu’elle ne se brise en de multiples fragments. C’est pour cela que son blouson repose sur le sol boueux. On ne sait jamais…

Tout à son labeur, il repense à ce livre d’Hemingway qu’il a lu adolescent, « Le vieil homme et la mer », une leçon d’humilité qui l’avait marqué à cette époque.

Combien de temps durera encore son combat contre la pierre ? Il ne le sait. A l’instar de Santiago*, il est patient, et même si parfois un juron résonne sur les parois, son calme reste son meilleur atout.

 

Tout à coup il perçoit les aboiements de son chien. Une alarme puissante et inquiétante. Courbé en deux, il parcourt aussi vite qu’il le peut les quelques mètres qui le séparent de la sortie. Aucun bruit, il n’y a personne. Le chien a sans doute aperçu un chevreuil ou un renard. Tant mieux, il ne tient pas à ce que sa découverte se sache aux alentours. Pillage assuré !

 

Au loin, l’horloge d’une église sonne dix coups. « Déjà » pense-t-il. Il récupère ses outils, remet en place chaque brindille masquant l’entrée de SON trou et redescend la colline en sifflotant.

Aux abords du village, on l’interpelle « - Alors, ces morilles ? » « - Pas encore sorties, faudrait que ça pleuve ! ». Il sourit, il est heureux. Demain il reviendra et peut-être que demain elle sera enfin au grand jour…

Peut-être…

 

 

 

 

* Héros majeur du roman

 

 

 

 

Ce sont les geignements du chien qui le tirent du sommeil, les grosses pattes sur son dos le réveillent tout à fait. « - Kayou, qu’est ce que tu fais là bon sang ! File à ta place !». Le jeune molosse descend du lit mais continue à gémir.  Il a peut-être envie de sortir ? pense-t-il. A contrecœur il se lève jetant au passage un coup d’œil au réveil. « 5H ! Bon, c’est mort pour que je me rendorme… ». Pieds nus il sort dans le jardin, il aime l’herbe mouillée sur sa peau.

« Mais qu’est ce qu’il a ce cabot ? ». Le chien lui tourne autour en gémissant de plus belle quant une drôle de sensation lui parcourt le corps. Il lui faut 2 secondes pour comprendre et 3 de plus pour s’éloigner en courant de la maison. « Merde, encore un ! ». Groggy, il attend un peu puis se hasarde jusqu’au portail.

 

Dans la rue, ses voisins se regardent en silence. Un petit garçon pleure dans les bras de son père « - C’est fini Jojo, calme toi ». Ces paroles apaisantes sont l’inconscient signal que tous attendaient, alors tous parlent en même temps. Juste pour évacuer la peur pour les uns, l’incompréhension pour les autres. « - A ton avis Noun, combien ? », « - Un petit 3.5, pas plus », « - Même s’ils ne sont pas très forts, c’est quand même le 2ème en 3 ans, ça commence à me foutre les jetons ! », « - Il n’y a pas de dégâts, c’est déjà ça… », « - Pas de réplique, non, c’est sûr ? ». Les discussions décousues se poursuivent jusqu’aux premiers rayons du soleil, puis chacun, reprenant conscience de sa vie, rentre chez lui accomplir des actes routiniers et rassurants.

 

D’un coup l’homme réalise. « Merde, merde, merde ! ». Il enfile à la hâte les premiers vêtements qu’il trouve, prend son sac et disparaît en courant vers la colline. Il jure encore en pensant à sa « belle » peut-être en danger.

Essoufflé, il arrive enfin à l’entrée du boyau. Quelques rochers sont tombés de ci de là mais l’entrée est en partie épargnée. Il pénètre dans la mine, aucun éboulement, pas la moindre fissure visible, mais il sait que c’est trompeur.

Braquant sa torche sur la paroi, la stupeur peut se lire sur son visage « C’est pas vrai… c’est pas vrai… ».

Rien, ELLE a disparu. Seule son empreinte subsiste, comme pour le narguer.

Alors il cherche, il cherche le plus petit débris, fouille le sol argileux. Il sait pertinemment qu’elle ne peut pas avoir roulé quarante mètres plus loin, s’être enfoncée de trente centimètres dans la boue. Ce serait comme croire qu’elle a été enlevée par des extraterrestres ! Mais son cerveau refuse l’évidence. Elle DOIT être là, ce n’est pas possible autrement, pas possible…

 

Lui revient alors l’incident de la veille… les aboiements de son chien… et si… et si il y avait vraiment quelqu’un… quelqu’un qui savait… « VOLEUR, SALE VOLEUR » hurle-t-il en pleurant de rage. Assis contre la paroi, le front sur les genoux repliés, il se calme enfin, fouillant ses souvenirs. Qui, dans le village ou aux alentours, s’intéresse aux sciences de la Terre, qui ? Personne qu’il connaisse, il ne sait pas…

 

Ce qu’il ne sait pas, ce qu’il n’a pas aperçu, ce sont ces 2 silhouettes, furtives, camouflées,  attentives à ses moindres faits et gestes depuis 3 jours. Un coup de chaud la veille quand le chien les a repéré, un chuchotement, une odeur, un rai de lumière sur les jumelles peut-être.

 

 

Ce qu’il n’a pas vu, ce sont les deux ombres pénétrant dans la mine au crépuscule.

Ce qu’il n’a pas entendu, ce sont les coups de massette sur les burins. Puis les cris de victoire.

 

Pourquoi « Le vieil homme et la mer » revient dans ses pensées à ce moment précis. Peut-être l’analogie des situations. Santiago n’est rentré qu’avec un morceau de squelette après son combat acharné contre l’espadon, les requins lui ont volé son trophée… Trophée…Requins… Squelette… Mais oui, c’est ça, il sait maintenant ce qu’il doit faire !

 

A coups de marteau rageurs il entame le dégagement de l’empreinte de cinquante centimètres de diamètre. Il sait que ce sera difficile mais il doit avancer, il doit gagner, ne pas renoncer.

Il repense à son grand-père. C’est avec lui qu’il a découvert sa première ammonite, une petite chose pas très jolie, mais un trésor qu’il garde toujours au fond d’une poche. « Ne pas renoncer », voilà ce que lui a appris le vieil homme. Et aussi la paléontologie, la minéralogie, et surtout, surtout toujours s’émerveiller devant les créations de la Déesse Nature.

 

« Mince… ». Une fissure apparaît. Il l’étudie longuement, gratte un peu, puis se décide. Il frappe de petits coups pour sonder la paroi, attentif à la plus petite variation de tonalité. Sourd, sourd, sourd… clair, clair, sourd, clair. Il y a quelque chose derrière. Doucement il taille le long de la traînée au timbre plus aigu. La roche est différente, un calcaire plus clair, plus friable, plus facile à travailler.

 

« Bah, tu t’es décidé à entrer, toi ? ». Le chien l’a rejoint, c’est la première fois.

D’un coup, l’homme attrape son sac et sort moitié courant moitié rampant, le chien sur les talons. A peine dehors, il ressent la nouvelle secousse. Les arbres craquent un peu et quelques rochers dévalent encore. Quelques secondes plus tard, tout est fini. « Brave Kayou » dit-il au chien en lui caressant la tête, contrôlant à peine le tremblement de ses mains. La secousse était moins forte que la précédente mais qu’aurait il pu lui arriver au fond de son trou ? Heureusement, il a vite compris, grâce aux gémissements du chien.

 

Le boyau a tenu bon. L’argile mêlée au phosphate donne une matière solide mais élastique qui absorbe bien les mouvements et les chocs. Toutefois une partie de la paroi s’est effondrée, là ou justement il la creusait. Normal, cette partie là est en calcaire. Il aperçoit un trou mais doit déblayer le couloir pour y accéder. « Je ne me suis pas trompé, il y a bien une poche ! ».

Jetant au loin les morceaux de roche, il retrouve l’empreinte de sa belle. Enfin, les parties de l’empreinte, brisée, écrasée, détruite. L’excitation d’une nouvelle découverte lui permet de faire le deuil de sa beauté sublime. Il a tout de même encore un peu de colère contre « ces enfants de salop » qui l’ont grugé.

Allons, il faut avancer.

Oh, il ne demande pas grand-chose ! Une poche de quartz avec de beaux cristaux bien terminés et intacts le fait rêver. Avec une petite association sympathique de chalcopyrite, mais là, il sait qu’il fantasme un peu.

 

Enfin, il accède au trou dans lequel il braque sa lampe. Il ne voit pas grand-chose et sa main ne sent que de la roche. Il doit agrandir la percée. La poche serait plus grande qu’il ne le pensait ?

Il creuse, creuse encore. Toujours pas de quartz ou autre minéral, que du calcaire. Parfois des morceaux plus gros se détachent manquant de lui écraser les pieds. « Décidemment, ce n’est plus une poche, c’est un gouffre ! » pense-t-il.

D’un petit coup il sonde encore le fond de la cavité. C’est alors que celui-ci part en morceau et tombe dans un bruit mat, mais pas de son côté.

 

« Bin ça alors ! ». Devant ses yeux c’est l’obscurité absolue. Un imperceptible souffle d’air humide et tiède lui envoie une odeur qu’il reconnaît. Une odeur de renfermé.

Il tremble de tous ses membres quand sa lampe fait scintiller les délicates draperies de calcite et les immenses colonnes de calcaire qui lui masquent le fond de la grotte.

La stupéfaction lui fait manquer d’air et son cœur s’emballe si fort qu’il croit faire un infarctus.

« Incroyable, incroyable » se dit il au bord de l’évanouissement.

Reprenant bien vite ses esprits, il entreprend d’agrandir le passage. Une demi-heure plus tard il est dans la caverne, si haute que sa lampe en éclaire à peine le plafond, si large et profonde qu’il ne peut en donner les dimensions. Sur sa droite, il entrevoit l’entrée d’un tunnel.

Résistant à la tentation de l’exploration, il s’assoit contre une stalagmite, laissant son cerveau, ses yeux et son corps s’imprégner de cet extraordinaire univers. Au bout de trente minutes peut-être (1 heure ? 2 heures ? Il ne le sait, il a perdu la notion du temps dans cette communion avec la terre), il se résout enfin à sortir. Sa décision est prise, chaque pas lui coûte mais il DOIT LE FAIRE.

 

Il a alerté le Maire du village qui a téléphoné au Préfet qui a contacté le BRGM.

S’ensuit alors le grand cirque médiatique. 300 ans qu’on n’avait pas découvert de grotte de cette importance dans la région, forcement ça attire les journalistes et les curieux.

Le BRGM a fait installer une grille condamnant l’entrée de la mine, la Gendarmerie patrouille dans les bois tous les jours, les curieux et amateurs de tout poil font revivre les quelques commerces du village.

 

Les premiers jours, il répondait volontiers aux questions des uns et des autres, mais la lassitude finit par l’emporter. Aujourd’hui il fuit tous ces importuns et court la morille qui est enfin sortie.

Sa découverte ne lui appartient plus, même si elle porte son nom, elle est mise en pâture au monde. Mais il sait que ce sera bien orchestré, que bientôt, tous les contemplatifs, les géologues en herbe, les enfants des écoles et bien d’autres pourront eux aussi rester sans voix devant tant de merveilles.

Son grand-père serait fier de lui. 

 

 

 

 

 

 

 

Epilogue

 

 

« Tiens, j’ai un colis pour toi. Je ne sais pas ce que tu as commandé mais c’est lourd comme de la pierre ! ». Il doit aider le facteur à sortir le volumineux paquet de la camionnette.

« Qu’est ce c’est que ça, je n’ai rien commandé ». Le nom et l’adresse de l’expéditeur, ressemblant plus à des hiéroglyphes qu’à des mots, sont totalement indéchiffrables.

« Curieux tout ça ».

Il déballe avec précaution la chose qui baigne dans le plastique bulles et le polystyrène.

Devant ses yeux ébahis, ELLE apparaît alors, SA beauté, sa SUBLIME beauté.

 

Il ne comprend pas. Il y a une lettre…

 

[ Monsieur,

Ceci n’est pas l’original de la Prionocycloceras que vous avez trouvé mais un moulage réalisé par un professionnel, dont nous tairons le nom. L’ammonite est exposée au musée de paléontologie de Cerins sous « don anonyme ».

Le but de notre collectif est de remettre à l’Humanité ce qui lui appartient et d’empêcher que ces témoins de l’histoire de notre Planète ne finissent cachés dans des collections privées.

C’est à titre tout à fait exceptionnel que nous vous offrons ce moulage, eût égard à votre attitude respectable et responsable après la découverte de "votre" grotte.

MERCI, au nom des Enfants de la Terre. 

 

Le Collectif HARO ]

 

 

FIN

 

 

 

 

 

 

Catherine G. avec la participation de Jojo38, Kayou, Charo et Jnoun11 que je remercie chaleureusement d'avoir bien voulu jouer !

Mars 2017

 

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